Massacre en Guinée : l’armée echappe-t-elle à Dadis Camara ?


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Tandis que Conakry compte ses morts, et soigne ses blessés, la junte guinéenne et les opposants politiques se rejettent la responsabilité du massacre survenu lundi dernier dans la capitale guinéenne. Dadis Camara, le chef putschiste, a affirmé mercredi à la radio française Europe 1 « ne pas contrôler l’armée ». Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, le bain de sang perpétré par les militaires aurait coûté la vie à 157 personnes et fait 1200 blessés.

« L’événement m’a débordé. (…) Dire que je contrôle cette armée serait de la démagogie », a tenté de se dédouaner mercredi Dadis Camara, sur les ondes d’Europe 1. Ces propos interviennent deux jours après la répression sanglante par les forces de sécurité, d’une manifestation pacifique organisée par l’opposition au stade de Conakry. Selon plusieurs témoignages recueillis par Human Rigths Watch, les militaires auraient fait preuve d’une violence inouïe pour intimider les Guinéens hostiles à l’éventuelle candidature du chef putschiste à la présidentielle de janvier. Ils auraient tué à l’aveuglette, tabassé et violé. « J’ai vu des Bérets rouges attraper des femmes qui essayaient de fuir, arracher leurs vêtements et toucher leurs parties intimes. D’autres ont battu des femmes, même sur leur sexe. C’était pathétique, les femmes hurlaient », raconte un témoin. Bilan: plus de 157 tués et 1200 blessés. Un chiffre qui pourrait s’avérer plus élevé. Selon un diplomate français, ces tueries auraient fait «des centaines de victimes».

Deux journées de deuil national

Après ce massacre, Dadis Camara a décrété mardi soir, lors de sa première apparition publique à la télévision d’Etat, deux journées de deuil national. Il a invité les chefs religieux (musulmans et chrétiens) à organiser des prières vendredi et dimanche prochains à travers tout le pays. Il a aussi appelé « les leaders d’opinion, les mass-médias à s’abstenir de propos et actes de nature à troubler l’ordre public et à ébranler le fondement même de la nation guinéenne ». Il a enfin interdit tout regroupement à «caractère subversif».

Dans l’après midi de mardi, Dadis Camara s’est rendu au Centre hospitalo-universitaire de Donka où sont soignés les blessés. Un lieu gardé par les militaires et dont l’accès a été interdit aux journalistes. Le chef putschiste a profité de cette visite pour accuser les leaders politiques d’«envoyer les populations à la boucherie». Mais pour les opposants, la junte militaire qu’il dirige est la seule responsable.

Conakry : une ville morte

Sur le terrain, la vie reprend timidement. La situation financière de nombre de Conakrykas se complique. « Je n’ai plus de sous à la maison, je me demande comment faire pour nourrir ma famille le reste de la semaine », confie un jeune père de famille travaillant à la Guinéenne d’électricité (EDG). Depuis l’événement tragique de lundi, les commerces, les banques, les stations d’essence sont fermées. Les militaires sont toujours visibles aux carrefours, et patrouillent dans les rues.

Le massacre de lundi est l’un des plus graves perpétrés en une seule journée, depuis un quart de siècle en Guinée.

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