Denis Sassou Nguesso candidat à la présidence du Congo


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Le chef de l’Etat congolais s’est officiellement porté, samedi, candidat à sa propre succession, à l’occasion d’un meeting monstre à Brazzaville. Outre une mobilisation record, forte de quelque 400 000 personnes, le fait marquant de ce coming out électoral reste le ralliement au camp présidentiel des ténors historiques de l’opposition, à l’image de Jacques Joachim Yhombi-Opango, Bernard Kolelas, Charles David Ganao ou de l’intellectuel Théophile Obenga.

« Na ndimi ko zala candidat », c’est en lingala puis en kikongo (« Mu me ndima ku vanda candidat ») et enfin en français que le chef de l’Etat congolais Denis Sassou Nguesso est entré officiellement samedi dans la course à la présidence, à l’issue d’un meeting aux allures de démonstration de force. Un meeting dont on retiendra l’adhésion des plus grandes figures historiques de l’opposition aux côtés du Président sortant.

Près d’un Brazzavillois sur trois (soit entre 400 000 et 500 000 personnes) aurait fait le déplacement, selon le ministre des Postes et télécommunication Thierry Mougalla, du comité d’organisation de l’événement. La marée humaine tout au long de l’ancien boulevard des armées, et même au-delà, tendrait à lui donner somme toute raison. Mfumu na bisso (« notre chef » en kikongo), Papa ya kimia (« le père de la paix », en lingala) ou encore Papa Dengues (contraction du nom de famille du Président), les slogans, surnoms et banderoles ou t-shirts de soutien, ne manquaient pas dans une foule compacte qui a pu profiter d’un solide plateau musical regroupant parmi les meilleurs artistes congolais.

Opango, Kolelas et Ganao votent Sassou !

Le meeting aura véritablement fait vaciller les bases d’une opposition congolaise qui a assisté en direct à la défection de Jacques Joachim Yhombi-Opango, président de la République de 1977 à 1979 et Premier ministre de Pascal Lissouba (juin 93 – août 96), de Bernard Kolelas, Premier ministre sous Lissouba (1997), ou de Charles David Ganao, Premier ministre sous Lissouba (1996-1997) qui ont tous apporter à la tribune leur soutien au président candidat.

C’est par la voix de son fils, Brice Parfait Kolelas (ministre de la Pêche), que Bernard Kolelas absent s’est adressé à la foule : « (…) Face au cadet que tu es, face aux militants ici présents et devant le peuple, moi Bernard Kolelas, je dis ceci : ‘suis la route. Que les mànnes (terme lari signifiant « esprits ») de nos ancêtres, les mpissas (terme lari signifiant « savants » ou « illustres », ndlr) du Congo t’accompagnent. Mais en chemin, n’oublie pas ton peuple, n’abandonne pas notre idéal. Avance et sois la voix de nos compagnons qui ne sont plus, le flambeau du pardon et de la vérité, la flamme de la paix et de la liberté, l’artisan de la réconciliation et de l’unité nationale. Va maintenant car le Congo t’espère et le peuple attend des lendemains meilleurs’. »

Sassou les chaussures qu’il vous faut

Charles David Ganao s’est fendu, quant à lui, d’une croustillante allégorie pour illustrer son choix de soutenir Denis Sassou Nguesso en reprenant à son compte un raisonnement que lui avait tenu, dans les années 70, Andreï Andreïevitch Gromyko, ministre des Affaires étrangères de l’Union Soviétique. Le Soviétique justifiait la reconduite du mandat de l’Autrichien Kurt Waldheim à la tête des Nations Unies face à au représentant de la Tanzanie en ces termes : « Vous avez une paire de chaussures qui va déjà à vos pieds, (…) avec laquelle vous marchez sans difficulté, vous êtes bien à l’aise dedans. Et à côté, vous avez une paire de chaussure qui sort directement de chez le sabotier. Elle est belle, brillante. Qu’est ce que vous allez prendre ? Nous, les Soviétiques nous vous conseillons de prendre la paire de chaussures qui est déjà à vos pieds. Parce que si vous vous laissez tenter par la nouvelle paire de chaussures, vous allez peut être avoir des problèmes pour la porter, pour marcher avec. Et, plus grave, vous risquez de vous en séparer quelques minutes après pour vous retrouver les pieds nus ». « Nous n’avons pas besoin, au Congo, de nous retrouver les pieds nus », concluait l’ancien Premier ministre congolais estimant que : « les changements, même les plus souhaités, ont leur mélancolie ».

Théophile Obenga porte le coup de grâce

En prenant le micro à la tribune pour soutenir Denis Sassou Nguesso, le célèbre intellectuel et homme de lettres congolais Théophile Obenga, d’ordinaire très virulent à l’égard du pouvoir, a taclé l’opposition par derrière. Lui qui représente l’une des plus hautes autorités morales du pays sinon de toute l’Afrique semble avoir pris de court une opposition aux rangs déjà clairsemés.

Si le meeting de samedi affiche un réel succès médiatique, les adversaires politiques du Président sortant dénoncent, quant à eux et au regard de l’ampleur de l’évènement, l’utilisation des deniers de l’Etat au profit du candidat Sassou. Par ailleurs, ils entendent porter plainte auprès de la cour constitutionnelle en vertu de l’article 48 de la Constitution quant à un défaut de déclaration de patrimoine pour les élus ou nommés à une haute fonction publique.

Au-delà d’éventuels vices de forme, il n’en demeure pas moins qu’aucun opposant, candidat déclaré ou non, ne semble avoir la stature politique d’un Denis Sassou Nguesso doué d’une réelle expérience du pouvoir. Un atout national et régional pour le moins précieux avec les turbulences que risque de traverser l’Afrique centrale avec le décès du chef de l’Etat gabonais Omar Bongo Ondimba. Après Sassou 1 (1979-1992) et Sassou 2 (depuis 1997), le Président congolais, 66 ans, semble d’ores et déjà s’acheminer sereinement vers un Sassou 3 plébiscité. Rendez-vous est pris le 12 juillet prochain pour le premier, et peut être l’unique, tour du scrutin.

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