Racisme : la victoire des Afrocolombiens


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Illustration afro
Image d'illustration afrovnézuélienne

Un Blanc pouvait discriminer ou insulter un « negro » sans être inquiété par la justice colombienne l’année dernière encore. Mais, depuis le 21 mai, c’est devenu un délit puni par la loi. La date n’a pas été choisie au hasard. Elle coïncide avec l’abolition de l’esclavage en Colombie votée en 1851 et appliquée en 1852.

Les cas de racisme à l’encontre des populations noires sont pléthore en Colombie. Mais les victimes n’avaient jusqu’ici personne vers qui se tourner pour faire respecter leurs droits. Seuls les organisations non gouvernementales et activistes de la cause afrocolombienne s’en faisaient l’écho via des structures communautaires fragiles, souvent menacés par les groupes armés. Selon les défenseurs de la cause noire, pas moins de dix millions d’Afrocolombiens seraient quotidiennement discriminés. Les persécutions sont le plus souvent psychologiques mais parfois physiques. Elles surviennent sur le lieu de travail, dans les bars et restaurants ou à l’entrée des discothèques. Depuis un mois, ces comportements sont punis par la loi en Colombie. Les responsables d’acte raciste encourent une peine de deux à cinq ans de prison et une amende allant de 3 000 à 7 500 euros. Le 21 mai de 2008, le Congrès colombien a enfin adopté une loi qui instaure et encadre ce type de délit. Cela faisait deux ans que le projet traînait dans les tiroirs du Parlement. Les communautés noires avaient presque oublié un texte approuvé à l’unanimité.

Symbole de justice

Tout commence en 2002. L’athlète noire María Isabel Urrutia, qui a entre autre raflé la médaille d’or aux jeux Olympiques de Sydney en haltérophilie, quitte les stades pour se lancer dans l’arène politique colombienne. Elle se fait élire au Congrès. Son objectif : défendre les droits des Afrocolombiens dans les temples du pouvoir de Bogota, peuplés, dans leur quasi-totalité, de Blancs. Au début, la championne issue des quartiers pauvres de Cali (la troisième plus grande ville de Colombie) fait tâche. Mais elle s’accroche et affronte les regards condescendants de certains collègues. Elle déclare pendant une conférence de presse que « jamais elle n’a ressenti de discrimination durant sa carrière sportive car ils avaient besoin d'(elle). Mais depuis qu ‘(elle fait) de la politique, c’est déjà arrivé ».

María Isabel Urrutia ne se décourage pas pour autant. Elle porte à bout de bras ce projet de loi visant à punir les actes de racisme dans son pays. L’histoire de cette jeune femme noire, privée de discothèque à Cartagena (ville touristique de la côte caribéenne), lui rappelle l’urgence de son action. D’autant plus que la Cour suprême, en dernière instance, met en exergue l’absence de cadre législatif pour juger ce type de dossier. Affaire classée. Les sacro-saintes tables de loi colombienne ne prévoient pas de sanctions légales, donc ce n’est pas un délit.

Troïka d’amazones pour la cause afrocolombienne

Les évènements politiques vont jouer en faveur du combat de la députée. L’année dernière, la jeune Paula Marcela Moreno Zapata a été nommée ministre de la Culture par le président colombien Alvaro Uribe. Elle devient ainsi la première ministre noire du pays, un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage. C’est une victoire pour la communauté. « Je suis une représentante de la Colombie en général, et en particulier de la communauté afrodescendante », déclare-t-elle lors de sa prise de fonction.

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Avec la sulfureuse sénatrice Piedad Cordoba, proche du président vénézuélien Hugo Chavez et soupçonnée d’être l’alliée des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), madame la ministre Moreno Zapata et la congressiste Urrutia défendent mordicus les droits de la communauté noire. Le triumvirat est l’ambassadeur politique et culturel de l’Afrocolombie. Des Noirs accèdent enfin, après une longue lutte, à la sphère politique nationale.

Leurs collègues ne peuvent plus les rejeter à cause de la couleur de leur peau. Dans les temples de la démocratie colombienne, comme dans les rues du pays, discriminer un Noir est un délit puni par la justice.

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