Rachida Dati en voie de désintégration ?


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Critiquée pour son comportement, pointée du doigt pour ses origines, Rachida Dati fait face depuis 15 jours à de vives critiques où se mêlent reproches professionnels et attaques personnelles. Le gouvernement et les associations anti-racistes se mobilisent. Personne ne veut d’un contre-exemple.

Fallait-il en passer par là ? Sans doute diront les sceptiques, ceux qui pensent que chaque montée a sa descente, chaque médaille son revers. Nommée ministre de la Justice le 18 mai, Rachida Dati connaît depuis 15 jours les affres de la polémique politicienne. Pour résumer, peu de faits, beaucoup de commentaires avec une tendance à la personnalisation du débat. Faut-il voir dans ce déballage médiatique une chasse aux « Arabes » comme le crient certains de ses défenseurs ou un retour de bâton pour une jeune ministre encore en apprentissage ? L’intéressée en tout cas n’alimente pas la controverse et préfère se concentrer sur ses dossiers, notamment le projet de loi sur la récidive examiné actuellement par l’Assemblée.

C’est le départ de son chef de cabinet, Michel Dobkine, annoncé le 6 juillet qui a mis le feu aux poudres. Raisons personnelles a plaidé le collaborateur pour ne pas gêner sa patronne. Mais les braises n’étaient pas encore froides que 3 autres conseillers désertaient le ministère de la justice. L’incendie reprenait de plus bel obligeant l’Elysée à opérer une première sortie pour circonscrire les flammes. C’est David Martinon, porte-parole du gouvernement, qui a pris sa défense, la présentant comme « quelqu’un de très humain » mais « habituée à avoir des exigences élevées. » Sous couvert d’anonymat, une source syndicale tenait au même moment un discours sensiblement différent : « Ce malaise est-il dû au caractère de Mme Dati, apparemment autoritaire et assez cassante, ou y a-t-il des désaccords de fond sur la politique et les projets en cours ? Je pense qu’il y a certainement un peu des deux. »

« Une campagne injuste »

Le 13 juillet une dépêche de l’AFP versait un peu plus d’huile sur le feu. La famille de la ministre était placée sous la chaleur étouffante des projecteurs à l’occasion de la prochaine comparution (mardi 17 juillet) de son frère, Jamal Dati, devant la cour d’appel de Nancy pour trafic de stupéfiants. Pas de commentaires a répondu l’intéressée. Il n’en fallait cependant pas moins pour que le président lui-même joue les pompiers de service. Nicolas Sarkozy a réaffirmé à trois reprises sa « confiance », son « amitié » mais aussi les obligations de sa protégée. Difficile de voir l’égérie de la réussite à la française se faire tailler en pièce quand on sait que ses succès sont autant de messages positifs envoyés aux jeunes issus de l’immigration.

Un symbole que les partisans de la diversité de tous bords refusent de voir attaquer sans réagir. SOS Racisme s’est porté à son secours vendredi en estimant que « Rachida Dati paie, dès son arrivée, le prix fort d’être la première personne d’origine maghrébine à accéder à une telle responsabilité gouvernementale. » La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a renchéri dans un communiqué. Selon son président Patrick Gaubert, elle « est victime, du fait de la consonance de son patronyme, d’une campagne injuste. »

Pas du sérail

Des réactions épidermiques dont on ne sait pas si elles devancent ou répondent à des attaques à caractère racial en vogue dans les couloirs du parlement ou du ministère. Une chose est sûre, Rachida Dati n’est pas du sérail. Elle a fait ses armes dans le secteur privé chez Elf, Matra puis à la Lyonnaise des Eaux. Si elle a ensuite intégré l’école de la magistrature sur titre, son management reste sans doute plus proche de ce qui se fait dans les entreprises que dans les salons feutrés du ministère de la Justice. Le ton de ses circulaires déplait. Son manque de considération pour la hiérarchie aussi. « Le problème, c’est le rythme et les relations humaines. Rachida Dati est dans l’hyper-communication, il faut qu’elle avance, et cette fuite en avant ne peut se satisfaire de réformes de fond », analyse Bruno Thouzellier, président de l’Union syndicale des magistrats. Officiellement démentis, de nouveaux départs sont néanmoins attendus. Ceux de Jean-Marie Huet, qui occupe le poste sensible de directeur des affaires criminelles et Léonard Bernard de la Gâtinais, le directeur des services judiciaires, qui coiffe les carrières et la discipline des magistrats.

Des états d’âme qui n’émeuvent pas François Fillon. « C’est la première fois que je vois que la composition d’un cabinet ministériel devient une affaire d’Etat. Elle est exigeante avec ses collaborateurs. Cela tombe bien, parce que le président de la République (Nicolas Sarkozy) et moi, on est exigeant avec nos ministres », a-t-il commenté mardi. Si le chef du gouvernement monte au créneau, c’est aussi parce que certains dossiers très chauds attendent la Garde des sceaux. Notamment celui de la carte judiciaire annoncée pour le début de l’année 2008. Les spécialistes s’accordent à dire qu’une telle réforme, politiquement sensible, complexe et très coûteuse, ne peut passer que dans les premiers mois de la législature. Rachida Dati n’a donc pas le droit à l’erreur. Au risque de jouer les contre-exemples.

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