Zao, amuseur public, éveilleur des consciences


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Zao
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Zao, figure iconoclaste de la chanson africaine, est en concert ce samedi au New Morning, à Paris. Il a fait du savoureux mélange de la musique et de l’humour sa marque de fabrique. Plus qu’un choix artistique, c’est une philosophie de vie.

Zao, la musique et l’humour : un trio qui fonctionne toujours. L’Aiguille, son dernier album, comme tous ses grands succès, est teinté de cet humour caractéristique qui habite son œuvre. « Si c’est trop sérieux, justement, les gens ne vous prennent pas au sérieux. Au contraire, avec l’humour, j’attire l’attention du public sur des questions graves », explique le célèbre artiste congolais qui se produit dans la salle parisienne du New Morning ce samedi. « Il y a tellement de troubles en Afrique, poursuit-il, qu’il n’est pas question de mettre de l’huile sur le feu, mais d’éduquer à travers mes chansons. L’Aiguille sert à recoudre se qui est déchiré. » Et cela Zao ne le fait pas qu’en chantant.

Dans le Sud de Brazzaville, la capitale congolaise, où il a pris ses quartiers à Bakongo, il a créé l’Espace Zao où il accueille des enfants des rues. « A Brazza, il y a des enfants qui jusqu’à 10, 13 ans ne sont pas scolarisés. A cause d’un petit billet, ils peuvent à tout moment prendre la Kalachnikov. J’en suis conscient et c’est la raison d’être de cet espace culturel où on accueille tous ceux qui souhaitent suivre une formation musicale», confie-t-il. « Les enfants de Brazza sont très liés à la musique. Elle les interpelle très tôt. Tous ces jeunes ont envie d’en faire et ils viennent à l’espace demander conseil, bénéficier d’une écoute aussi parce qu’ils sont livrés à eux-mêmes ».

Le passage à l’espace Zao constitue un tremplin pour nombre d’entre eux. « Les gens n’y font pas attention, constate-t-il, sans aucune amertume en évoquant ce travail social qu’il effectue avec ses propres ressources. Néanmoins, c’est un travail de longue haleine qui demande aussi bien de l’investissement matériel que personnel. » Ce qui ne rebute en rien le chanteur qui a fait l‘expérience de la souffrance et de l’abandon, à l’instar de nombre de Congolais pendant la guerre civile qu’a connu leur pays à la fin des années 90.

L’humour pour faire passer le message

Quand la guerre éclate dans son pays, Casimir Zoba dit Zao, né le 24 mars 1953 à Goma Tsé-Tsé trouve refuge dans la forêt avec les siens. « Je porterai toujours les séquelles de ces neuf mois où on n’avait rien à manger. Je pensais chaque jour m’être trompé de pays. » A la guerre, il paiera un lourd tribut : la vie de son enfant de quatre ans. Sa carrière aussi en pâtira. Le prix RFI Découverte qui le distingue en 1982 annonce d’emblée la naissance d’un artiste hors normes sur la scène musicale africaine. Très tôt, la musique s’impose au jeune Casimir.

« Je suis né au village où il y a toujours eu des conteurs, des griots, des joueurs de sanza (sorte de piano métallique dont son père jouait également, ndlr). » Lorsque ses parents se séparent, sa mère l’emmène à Brazzaville où sa pratique musicale s’intensifie au travers des chorales religieuses qu’il fréquente. La passion devient un métier dans les années 80. En 1983, Zao signe son premier album chez Barclay. Ancien combattant est le titre de cet opus qui est un concentré du style du chanteur. Un style définitivement de retour avec l’album L’Aiguille sorti en 2006 chez Lusafrica. « C’est reparti pour de bon, je ne vais pas lâcher.», assure l’artiste congolais qui manifestait quelques années plus tôt un certain découragement.

« En Afrique, déplore-t-il, les artistes sont par trop considérés comme des amuseurs publics. On les presse comme des citrons et on les jette après. Ils n’ont même pas l’assurance d’une retraite ». Zao est aussi un nostalgique des années Franco ou Rochereau. « On écoutait alors de la belle musique. La jeune génération de musiciens africains est tombée dans la facilité. » Le festival qu’il organise chaque année au sein de son espace culturel s’apparenterait presque au sursaut d’un homme de conviction qui a fait de la bonne humeur le secret de sa forme. « Nous avons créé le Festival musique ambiance pour susciter une émulation, pour apporter un peu de joie à des jeunes quelque peu en perdition et qui ont besoin d’être soutenus sur le plan émotionnel. » La prochaine édition se tiendra du 24 au 26 août prochain à Brazzaville. Trois jours de musique congolaise, pour célébrer la joie de vivre comme Zao sait si bien le faire en chanson.

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