Zambie : « Non au viol des enfants contre le sida ! »


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L’Association des praticiens de médecine traditionnelle de Zambie lance un cri d’alarme contre les charlatans qui prescrivent aux porteurs du VIH/sida d’avoir des relations sexuelles avec des jeunes pour se soigner de la maladie. Aucune statistique n’est disponible, mais le phénomène semble prendre de l’ampleur dans un pays où le taux de séroprévalence compte parmi les plus élevés du continent.

L’Association des praticiens de médecine traditionnelle de Zambie (THPAZ) est sur le pied de guerre. Depuis quelques temps, elle est en effet alarmée par des articles de presse inquiétants, relatant « toutes les semaines » des abus sexuels sur mineurs. « Ils rapportent que des personnes atteintes du VIH/sida violent des mineurs et des vierges pour se soigner de la maladie », précise le Dr Rodwell Vongo, président de THPAZ. Ce qui lui fait monter le sang à la tête, c’est que cette idée, fausse, leur a parfois été soufflée par certains de ses confrères. Ce qui favorisent ainsi la propagation du sida, touchant, selon les statistiques 2003 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre 16,5% des 15-49 ans.

Le mythe du mineur ou du vierge guérisseur

Le phénomène serait surtout constaté en zone rurale et dans les milieux les plus défavorisés. « Il est très rare que des inconnus aient des relations avec ces enfants. Il s’agit souvent d’un proche : du père, de l’oncle… » indique, sous couvert d’anonymat, un policier zambien. Quant au profil des victimes : « On trouve des enfants de trois ans et des adolescentes, en général âgées de moins de 16 ans. Au-delà de cet âge, c’est rare », explique Peter Kanunka, coordinateur national pour l’unité de soutien des victimes de la police zambienne. Et, si jeune, le Dr Rodwell Vongo estime que l’acte ne peut être qu’un viol. « Les enfants ne sont pas sexuellement actif et ils sont traumatisés et risquent d’être contaminés par le virus du sida », dénonce-t-il.

« La pratique est très courante en Afrique du Sud, mais en Zambie, il n’est pas facile de lier l’abus des enfants à l’envie de se débarrasser du sida », avertit un personnel du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef). Un avis que partage Peter Kanunka : « Les chiffres que nous avons n’indiquent pas que telle ou telle personne a abusé sexuellement pour se guérir du sida. Certains l’avouent, mais d’autres justifient leur acte par l’habillement des filles, qu’ils estiment provocateur ».

Pourquoi cette conviction qu’avoir des relations sexuelles avec des enfants peut guérir ? « Certains avouent que, s’ils ont agi, c’est sur prescription d’un guérisseur traditionnel », poursuit le haut responsable policier. « Ces guérisseurs disent à ceux qui viennent les voir que s’ils couchent avec un mineur ou une personne vierge et qu’ils prennent le médicament qu’ils leur donnent, ils seront guéris. Ce qui est complètement faux ! Il n’y a pas de traitement ! Nous ne cautionnons en aucune façon les guérisseurs traditionnels qui disent le contraire et ‘prescrivent’ des relations sexuelles avec des mineurs. Nous voulons que cette pratique cesse », s’emporte le Dr Rodwell Vongo, de THPAZ, qui compte exclure les contrevenants.

Des charlatans peu inquiétés

Ces « prescriptions » sont interdites par la loi. « Il est maintenant interdit de prescrire des relations sexuelles pour soigner d’une maladie », confie Peter Kanunka. Des violeurs sont donc derrière les barreaux. Mais, les soi-disant médecins seraient difficilement inquiétés. « Lorsque nous allons voir un tradipratidicien qui nous a été désigné comme celui qui a demandé d’avoir des relations sexuelles, il nie », rapporte Peter Kanunka.

Par ailleurs, les victimes gardent le lourd poids de leur secret. « Les gens qui ont été abusés ou souillées n’osent pas porter plainte. Car le sujet est très stigmatisé et que cela expose la famille à une situation gênante. Nous les encourageons à le faire auprès de la police ou de notre association pour que la loi suive son cours. Les coupables doivent être sévèrement punis », propose le Dr Rodwell Vongo.

Le THPAZ, notamment affilié au ministère de la Santé et à l’OMS, a déjà tenu un atelier pour sensibiliser ses troupes au viol des enfants à des fins prétendument thérapeutiques. Mais seules quelques centaines de personnes avaient participé à la session, sur les 40 000 tradipraticiens que compte l’organisation. « Il faudrait une sensibilisation continue de nos membres, la communauté et surtout les enfants eux-mêmes. Mais pour cela, il faut des fonds… », regrette le président de la structure. Le temps presse : la Zambie est l’un des pays du continent les plus touchés par l’épidémie.

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