Voyages médicaux des dirigeants africains : le Nigeria, un cas école


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Nigeria Buhari doit partir
Nigeria Buhari doit partir

Les Nigérians vent debout contre les voyages à n’en point finir de leur Président à Londres pour se faire soigner alors que les structures sanitaires du pays sont abandonnées dans un état critique. Cette réaction du peuple nigérian devrait inspirer les autres pays du continent dont les dirigeants engloutissent, chaque année, des fortunes, puisées dans les caisses des États, dans des voyages de santé.

Alors que le Président nigérian, Muhammadu Buhari, a effectué un de ses nombreux voyages de santé à Londres ce 30 mars, ses compatriotes se sont dressés dès le lendemain contre ces séjours médicaux à l’étranger qui font saigner les caisses du pays. En première ligne, les médecins nigérians appuyés par l’opposition. Et le hastag #Buharimustgo est devenu la chose la mieux partagée sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, depuis quelques jours par les Nigérians pour exprimer leur dépit.
L’ironie s’est également invitée dans le jeu pour traduire la colère et le dégoût. « Aidez-nous à ramener M. Buhari à la maison pour qu’il puisse faire son check-up médical dans l’un des hôpitaux magnifiques et performants qu’il a construits pour le Nigeria ! », lâche l’opposant Omoyele Sowore.

De son côté, le porte-parole du principal parti d’opposition, le Parti populaire démocratique (PDP), a réagi en ces termes : « Notre parti s’inquiète du fait que le régime Buhari ne prenne aucune mesure pour rétablir notre système de santé, mais que l’argent du contribuable serve à payer les voyages médicaux du Président à l’étranger ».

Pour les médecins, qui sont très remontés contre le premier responsable de l’État nigérian, il est capital de lutter contre le tourisme médical qui condamne le système sanitaire nigérian à la médiocrité. Au-delà, il constitue une source de déperdition financière. « On estime que le Nigeria perd, chaque année, plus d’un milliard de dollars (556 milliards FCFA) au profit du tourisme médical. Le montant a dépassé, de nombreuses fois, le montant total alloué au secteur de la santé dans les budgets annuels du pays », fait observer le journal nigérian Daily Trust.

Le phénomène contre lequel s’insurgent les Nigérians est un mal qui sévit dans la plupart des pays africains dont les dirigeants, au moindre ennui de santé, prennent l’avion, aux frais de l’État, pour se rendre dans les pays occidentaux qui ont réussi à faire ce qu’eux autres n’ont pas voulu faire chez eux à savoir : doter leur pays d’infrastructures de santé performantes avec un personnel qualifié, compétent et motivé. La faiblesse caractérisée du système sanitaire de la plupart des pays africains (y compris du grand Nigeria, première puissance économique du continent) a fait que l’OMS prédise le pire, à l’avènement de la pandémie de Covid-19. Mais contre toute attente fort heureusement, la maladie redoutée a fait beaucoup moins de victimes en Afrique que dans les autres régions du monde.

Le silence coupable des peuples face à ces voyages coûteux et « criminels » encourage les dirigeants africains à continuer dans leur élan. L’heure du changement est peut-être enfin sur le point de sonner. Puisque la vive réaction du peuple nigérian vient après le coup de gueule de Nathalie Yamb qui s’attaquait violemment au phénomène, le 23 décembre dernier : « Jamais je ne gaspille ma compassion pour un gouvernant ou président d’institution africain qui va à l’étranger se faire soigner. A aucun, je ne souhaite prompte guérison. Et ils doivent démissionner avant de s’envoler vers les hôpitaux occidentaux », avait déclaré l’activiste.

Si ces différentes réactions peuvent faire des émules sur tout le continent, cela pourra contribuer à changer une situation honteuse qui n’honore point l’Afrique depuis des décennies.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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