Vocation avocat


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Maurille Okilassali, originaire de Brazzaville et en France depuis 14 ans, a un parcours universitaire exemplaire. Docteur en droit, il a pourtant eu du mal à prêter serment pour devenir avocat car le Barreau ne s’ouvre pas si facilement aux Africains. Le credo de Maurille : la lutte et la persévérance.

Maurille Okilassali a quitté Brazzaville en 1988 parce qu’il voulait être avocat. Il avait 25 ans et des idéaux plein la tête. Sa licence de droit en bandoulière, il est venu se frotter aux universités françaises. Toulon, Aix-en-Provence puis Paris où il passera sa thèse de doctorat. Aujourd’hui, Maurille à 38 ans… et il a prêté serment il y a seulement un an. Il fait partie des quelques avocats africains qui ont réussi à franchir tous les obstacles qui leur obstruent l’accès au Barreau.

 » Trouver un cabinet pour prêter serment, c’est le parcours du combattant « , explique posément Maurille.  » Je connais des gens qui ont eu l’examen il y a deux ans et qui sont toujours à la recherche d’un cabinet. Les gens dépriment. Moi, j’ai eu de la chance : je n’ai attendu que 6 mois ! Une période pendant laquelle j’ai adressé plus de 300 CV. Je n’ai eu pratiquement que des réponses négatives. Sur le peu d’entretiens que j’ai passés, j’ai été recalé à la 3ème ou 4ème entrevue …  » Maurille a finalement prêté serment avec Me Augustin Kemadjou, président de l’Association des avocats africains, antillais et autres de France.

Rencontre professionnelle et humaine

 » Avec maître Kemadjou, ça a été une vraie rencontre, aussi bien du point de vue professionnel qu’humain. Grâce à sa personnalité, il m’a donné une autre image de la profession. Avant, j’étais traumatisé par tous les gens hautains du milieu « , se souvient le jeune avocat.  » J’ai fait plusieurs stages et les responsables des cabinets promettaient de me faire prêter serment mais une fois que j’ai obtenu mon diplôme, plus rien. On me disait que le chiffre d’affaires n’était pas assez bon, on invoquait le 11 septembre…  » Maurille a vécu la discrimination latente dont sont victimes la plupart des avocats africains en France.

 » Quand on voit la couleur des gens qui travaillent dans les grands cabinets d’avocats, ça ne reflète pas l’image de la société française. Même les cabinets qui travaillent avec l’Afrique ne veulent pas embaucher d’Africains. Mais jamais il ne pourra y avoir de procès pour discrimination, ce serait un comble dans le milieu des avocats ! Il faut continuer de lutter, positiver « , insiste-t-il, soulignant l’importance d’une association comme celle de Me Kemadjou.  » Cette association est un lien qui permet de se faire connaître, de s’entraider, ce qui est nécessaire vu la mentalité étroite de la région parisienne. Il y a 17 000 avocats à Paris, c’est vraiment difficile de se rencontrer.  »

Futur syndicaliste

Avec sa voix claire, son verbe droit et ses vêtements impeccablement soignés, Maurille continue à y croire. Il est avocat par vocation. Il a laissé passer des opportunités dans d’autres secteurs pour se livrer à ce métier qui  » fait bouger  » et où le contact humain est primordial. Maurille ne se voyait pas toute la journée derrière un bureau. Il a besoin de mouvement. Depuis 5 ans, il est bénévole à SOS-Racisme et travaille sur le terrain de l’aide aux victimes du racisme à Champigny, sa ville de résidence. Impliqué dans la politique de sa commune, il ambitionne même de se présenter aux prochaines cantonales.  » Je milite beaucoup « , avoue ce  » chevènementiste déçu  » ancré à gauche.

Comment peut-il tout faire à la fois ?  » Question de routine « , répond-t-il nonchalamment.  » Je fais ça depuis des années. Je compte aussi me lancer dans le syndicalisme pour la profession. J’aime être là où ça bouge !  » Derrière ses lunettes cerclées d’acier, Maurille a également d’autres idées. Premier avocat de sa famille restée au Congo, il espère bientôt faire venir à Paris sa petite soeur qui a choisi la même route que lui. Même si le chemin est semé d’embûches.

Photos :

Maurille Okilassali.

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