Vivre avec le VIH et s’épanouir sexuellement


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Sida (illustration)
Sida (illustration)

Contracter le VIH est souvent vu comme un événement pouvant sonner le glas de toute vie sexuelle, mais les Africains séropositifs de tous âges sont aujourd’hui invités à retrouver leur sexualité et à vivre leur vie sainement et normalement.

« J’ai eu ce [VIH] à travers des relations sexuelles, donc [j’ai pensé] que ma sexualité était terminée, j’avais l’impression que je devais arrêter de m’habiller avec des vêtements sexy et que je devais attendre de mourir », a raconté à IRIN/PlusNews Florence Anam, 28 ans, chargée de l’information pour le Réseau kényan des femmes vivant avec le VIH.

Mme Anam a raconté qu’au début, lorsqu’elle disait qu’elle était séropositive, beaucoup d’hommes l’évitaient, pensant qu’elle allait les infecter. Elle a elle-même perdu tout intérêt pour la sexualité pendant plusieurs mois après avoir été dépistée. Mais elle a depuis découvert qu’elle pouvait continuer à avoir, et à apprécier, des relations sexuelles, en dépit de son statut sérologique. « Mon avis là-dessus est qu’on peut avoir une sexualité… qu’on n’a pas à la perdre parce qu’on est séropositif, il faut simplement être responsable », a-t-elle dit, ajoutant que pour elle, les relations sexuelles « doivent être bonnes, sinon je n’en ai pas ».

Lors d’un récent atelier organisé par le Centre africain de ressources sur la sexualité (ARSRC), dans son Institut situé dans la ville côtière de Mombasa, au Kenya, le besoin de repenser la sexualité dans le contexte de la maladie, particulièrement dans le cas des infections chroniques comme le VIH, a été évoqué.

« Le VIH a une connotation hautement morale. Les personnes [infectées] sont confrontées à la stigmatisation parce qu’elles sont vues comme des personnes ayant été immorales sur le plan sexuel », a dit Richmond Tiemoko, directeur de l’ARSRC. « Les femmes sont particulièrement affectées par ce type de stigmatisation parce qu’on attend d’elles qu’elles soient les gardiennes de la morale de la société, donc contracter le VIH est vu comme un immense échec de leur part ».

Il a estimé qu’il était important que les personnes vivant avec le VIH reconnaissent et réclament leur droit à la sexualité et à avoir des relations sexuelles.

Le droit à la sexualité

L’Institut de la sexualité fournit un forum aux professionnels africains de la santé pour leur permettre de discuter pour voir comment encourager des attitudes plus positives vis-à-vis de la sexualité sur le continent.

« Nous pensons que pour réduire le VIH et promouvoir le bien-être, nous devons adopter un discours positif sur le sexe et la sexualité », a expliqué M. Tiemoko. « Discuter de problèmes tels que la violence sexuelle, la stigmatisation, l’estime de soi et le VIH aide les populations à avoir une meilleure compréhension de leurs liens avec la sexualité, et à rendre cela moins tabou ».

Des chercheurs, des fonctionnaires et des membres d’organisations non gouvernementales locales ont assisté à l’atelier de Mombasa, avec, comme thèmes centraux, la santé génésique et le sida. Ils ont été invités à inclure des messages sur une sexualité saine dans leurs programmes destinés aux personnes vivant avec le VIH.

« Lorsque j’ai été dépistée positive au VIH, j’ai considéré le sexe comme sal et je me suis blâmée pour mon infortune », a raconté Asunta Wagura, directrice exécutive du Réseau kényan des femmes vivant avec le VIH, dans une récente interview avec le magazine Sexualité en Afrique, une publication de l’ARSRC. « J’ai réprimé ce besoin [sexuel] pendant longtemps, jusqu’à ce que je ne puisse plus le réprimer plus longtemps et que je dise ouvertement ‘je suis un être humain avec des besoins sexuels et des sentiments, qui doivent être comblés sans avoir à s’en excuser auprès de qui que ce soit’ », a-t-elle dit.

Mme Wagura, qui a publiquement révélé sa séropositivité, a suscité une controverse lorsqu’elle a décidé d’avoir un enfant en 2006. Son fils est né en bonne santé et a jusqu’à maintenant été testé séronégatif. « J’ai été critiquée de partout… L’idée est que les personnes vivant avec le VIH/SIDA ne devraient pas penser à [enfanter], parce qu’avoir un enfant implique d’avoir des relations sexuelles », a-t-elle dit.

S’exprimant lors de l’atelier, le docteur Sylvia Tamale, doyenne du droit à l’Université ougandaise de Makerere, a souligné qu’il y avait une « déconnection » entre le sexe d’un point de vue sanitaire ou médical, et dans le contexte du plaisir. « Il y a un besoin de « désapprendre » et de revoir certaines leçons que la société nous enseigne, et d’ouvrir l’esprit des gens », a-t-elle estimé, ajoutant que le conseil en matière de sexualité pouvait faire beaucoup pour aider à changer les perceptions.

L’ARSRC organise des ateliers tournants chaque année en Egypte, au Kenya, au Nigeria et en Afrique du Sud. L’atelier de Mombasa était organisé en collaboration avec son partenaire au Kenya, le Population council, une organisation internationale pour la santé génésique.

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