Vaccin anti-VIH : le risque d’une recherche à deux vitesses


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Sida (illustration)
Sida (illustration)

La mise au point d’un vaccin contre le sida ne parait plus irréaliste. De nombreux spécialistes estiment que les recherches actuelles pourraient aboutir d’ici à dix ans. Prudence tout de même. Car les scientifiques butent encore sur de nombreux obstacles, notamment la diversité des souches de virus dans le monde. Or, des craintes existent de voir les souches africaines quelque peu négligées par certains programmes de recherches occidentaux…

Face à la propagation fulgurante du sida en Afrique, particulièrement dans sa partie australe qui affiche les taux d’infection les plus élevés du monde, le vaccin apparaît comme « le meilleur espoir d’enrayer cette épidémie sur ce continent » ainsi que l’affirme le Dr Malaki Owili, secrétaire de la Société sur le sida en Afrique (SAA). Le risque existe pourtant que l’Afrique ne soit pas la première bénéficiaire des progrès de la recherche vaccinale. Une crainte qu’exprimait le Dr José Esparza, coordinateur de l’Initiative OMS-ONUSIDA en faveur d’un vaccin anti-VIH, lorsqu’il déclarait cet été à Durban en Afrique du Sud, au cours de la Conférence internationale sur le SIDA, que « parvenir à trouver un vaccin qui serait inutile en Afrique serait le comble de l’ironie ».

Or, les recherches les plus avancées à ce jour concernent des vaccins- candidats basés sur des souches de VIH différentes de celles présentes en Afrique. Car c’est là l’une des difficultés majeures sur laquelle achoppent les chercheurs : il existe divers sous-types du virus, répandus différemment suivant les zones géographiques. Ainsi, par exemple, les sous-types A et D prédominent en Afrique sub-saharienne, alors que le sous-type B se trouve surtout en Amérique, au Japon, en Australie et en Europe, le sous-type E en Asie du Sud-Est.

Sous-types africains négligés

Jusqu’à aujourdhui, les seuls vaccins-candidats testés à grande échelle sur l’homme sont ceux développés par la firme américaine Vax Gen à partir des sous-types B et E. Les essais de phase III destinés à vérifier l’efficacité de ces vaccins ont été lancés en 1998 aux Etats-Unis et en 1999 en Thaïlande avec la participation de 8 000 volontaires. Les résultats devraient être connus fin 2001 ou début 2002. Cependant, on sait d’ores et déjà, qu’en l’état actuel de nos connaissances, ce vaccin ne serait pas approprié pour l’Afrique où les sous-types A, C et D sont majoritaires.

D’autres pistes de recherche sont bien évidemment explorées, aucune cependant n’en est à un stade aussi avancé. Ainsi, l’expérimentation du premier vaccin spécifiquement conçu pour lutter contre une forme africaine du virus a débuté cet été en Angleterre sur 18 volontaires. Il concerne le sous-type A, souche particulièrement virulente et très répandue en Afrique. Sa mise au point résulte d’une collaboration entre l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et celle de Nairobi. Il s’agit en effet de reproduire les défenses immunitaires d’un petit nombre de prostituées du Kenya qui, ainsi qu’on l’a découvert il y a quelques années, sont porteuses d’un facteur inné de résistance au virus. La phase actuelle des essais est destinée à vérifier que le vaccin provoque la réponse immunitaire attendue. Si ces tests s’avèrent concluants, l’expérimentation se poursuivra à Nairobi dans les prochains mois. Trois à cinq ans seront cependant nécessaires pour évaluer vraiment l’efficacité du vaccin. Il faudra ensuite attendre encore cinq ans pour en achever le développement.

Vers un vaccin universel

En parallèle sont expérimentés d’autres concepts de vaccins. Par exemple l’ANRS, l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA en France travaille sur un vaccin universel, efficace face à tout type de virus. Ainsi que le souligne l’ONUSIDA, il est effectivement crucial, étant donné le nombre de sous-types viraux en circulation mais aussi la diversité des populations humaines concernées avec des constitutions génétiques et des voies d’exposition variables, de multiplier les approches vaccinales et les essais cliniques dans un maximum de pays (pour l’instant, un seul essai, de phase I, a été réalisé en Afrique, l’an dernier, en Ouganda).

Mais pour cela, des moyens supplémentaires seraient nécessaires. Car, ainsi que l’a déploré récemment le professeur Souleymane Mboup, président du réseau de recherche sur le sida en Afrique occidentale et centrale, seul un pour cent des investissements engagés dans la lutte contre le sida dans le monde est consacré à la recherche d’un vaccin. Le virologue sénégalais a particulièrement regretté l’absence d’implication des sociétés privées. La plupart d’entre elles rechignent en effet à s’engager dans des recherches longues et onéreuses, et dont la rentabilité ne leur paraît pas assurée.

Catherine Le Palud

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