Une nouvelle doctrine pour l’influence française en Afrique ?


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Signature entre AFD et le Sénégal

Alors que l’opération Barkhane prendra fin début 2022, le président de la République française, Emmanuel Macron, l’a assuré en juillet dernier : « nous ne nous désengageons pas ». Sur le plan militaire, bien sûr, mais pas uniquement : de l’industrie avec les exemples d’Ellipse Projects, Piriou ou Nutriset, à la langue grâce à la francophonie, la France a bien l’intention d’affirmer sa présence en Afrique, en misant sur une approche privilégiant le soft power.

La longue histoire de l’influence française en Afrique a subi un brusque revers avec l’annonce de la fin de l’opération Barkhane au printemps 2021. Cependant, la coopération militaire n’est qu’un des aspects de cette influence sur le continent. La soudaineté de cette annonce s’inscrit dans un revirement de la stratégie de Paris en Afrique et l’émergence d’une nouvelle doctrine en la matière, qui s’appuiera désormais sur deux axes : l’aide au développement et la francophonie.

Et si la solution face au djihadisme était le développement ?

Les spectaculaires opérations de coopération militaire pour lutter contre le djihadisme semblent, in fine, se solder par un semi-échec. Pour se refaire, le quai d’Orsay a largement communiqué, courant mars 2021, sur la nouvelle doctrine française d’aide au développement de l’Afrique. Il semble que la diplomatie française ait pris acte des limites de la réponse militaire au djihadisme, et de la nécessité de lutter contre les causes profondes de ce fléau. Or, comme le rappelait Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS, le djihadisme et la charia prospèrent « dans des pays ou des régions confrontés à la corruption, à l’arbitraire ou à l’absence de l’État ».

Le retrait français est d’autant plus naturel que la présence des forces armées tricolores est de plus en plus critiquée en Afrique (notamment au Mali). Elle a même pu être utilisée par ses rivaux pour dénigrer le pays (ex.: la campagne russe sur Facebook, réseau social le plus abondamment utilisé en Afrique). Désormais, l’influence française devrait se déployer via « un budget en hausse, un recentrage sur les pays d’Afrique subsaharienne et une priorité accordée aux dons plutôt qu’aux prêts ». La priorité semble également être donnée à la prévention, c’est-à-dire à la lutte contre le sous-développement, terreau du djihadisme, ainsi qu’à offrir aux Africains une alternative à la Chine, responsable d’un surendettement du continent.

Ellipse Projects, Piriou, Nutriset : les entreprises françaises s’exportent en Afrique

Cette modernisation de l’action fait écho à la démarche d’entreprises françaises comme Ellipse projects, Piriou ou Nutriset. La première fournit des solutions d’infrastructures clés en main. Ellipse Projects intervient dès la structuration du financement d’un projet, comme au Sénégal où le groupe français vient de livrer 4 hôpitaux dans les villes de Touba, Sédhiou, Kaffrine et Kédougou. Ou encore au Ghana, où Ellipse Projects a construit un hôpital à Bekwai, inauguré début 2021.

D’autres entreprises françaises réussissent aussi en Afrique. La société Piriou vient de signer un contrat avec la marine sénégalaise pour la livraison de trois patrouilleurs lance-missiles. Nutriset, qui développe des produits pour lutter contre la malnutrition, est déjà implantée au Kenya, en Éthiopie, en Guinée, au Niger, au Burkina Faso et au Nigeria. Sans parler des succès des Marseillais de La Rhodanienne de Transit ou CMR Group. Cette présence semble inspirer les autorités. Avec l’incorporation d’Expertise France – l’agence publique de conception et de mise en œuvre de projets internationaux de coopération technique – au sein de l’Agence française de développement, la France pourrait s’être dotée d’un outil capable de rivaliser avec la GIZ, son équivalent allemand et rival sur le continent africain.

Le revirement stratégique français tombe à point nommé. En effet, le pays, de l’aveu même de Jean-Yves Le Drian, fait face à « des guerres de modèle et d’influence », notamment avec la Chine. Pour rappel, selon les estimations, l’Empire du Milieu posséderait entre 17 et 40% des dettes souveraines africaines, avec de grandes disparités selon les pays. Par exemple, la Banque africaine de développement (BAD) indiquait, au printemps 2021, que la Chine détenait 61,3% de la dette bilatérale du Cameroun.

Le français, langue la plus parlée en 2050

Le nombre de francophones devrait tripler d’ici trente ans du fait de l’explosion démographique africaine à venir. Cela va procurer au français le statut de première ou seconde langue la plus parlée dans le monde (5e actuellement). Cet actif devrait permettre à l’Hexagone de disposer d’un immense pouvoir d’influence que peu de pays pourront se vanter d’égaler.

Depuis François Mitterrand et le sommet de la Francophonie de 1986, la France se bat pour contrecarrer l’influence de l’anglais d’abord et celle du mandarin désormais, à en croire le ministre français des Affaires étrangères. Pour cela, elle pourra compter sur l’Organisation internationale de la Francophonie, sans équivalent dans le monde. Elle dispose également, avec TV5monde et France 24, d’outils capables de diffuser sa vision du monde et son soft power. Un atout non négligeable pour séduire la classe moyenne africaine (320 millions d’Africains en feraient déjà partie, selon la BAD) et permettre l’implantation d’encore plus d’entreprises françaises sur le continent. Avec l’explosion démographique, cela va représenter un pouvoir d’achat que les intérêts français se verraient bien capter en partie.

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