« Un nouvel élan » entre Paris et Abidjan


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Le président ivoirien Alassane Ouattara a achevé ce jeudi sa visite en France, après avoir été reçu à l’Elysée par son homologue français, François Hollande. L’avenir des relations entre les deux pays était l’un des principaux sujets de leur entretien.

« Un échange tout à fait fructueux ». C’est le message que François Hollande et Alassane Ouattara ont tenu à délivrer à leur sortie de l’Elysée ce jeudi. Dès l’arrivée du président ivoirien sur le sol français, la dette de la Côte d’Ivoire, 3,76 milliards d’euros, a été annulée. Un projet ficelé sous la présidence de l’ex-président français Nicolas Sarkozy. Les remerciements du dirigeant ivoirien ne se sont pas faits attendre : « Cela va nous permettre de renforcer les investissements dans les secteurs sociaux et je voudrais vous dire un grand merci ». Le désendettement pour le développement de la Côte d’Ivoire est désormais le principal socle des rapports entre les deux Etats.

La question de la crise malienne a aussi été mise sur la table. Alassane Ouattara, président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et ses homologues africains sont toujours à la recherche d’une solution. Les islamistes, qui occupent le Nord-Mali, ont gagné du terrain. Les déloger ne sera pas une mince affaire. L’intervention militaire est envisagée par l’organisation ouest-africaine. Mais elle attend encore l’aval de l’ONU. François Hollande a, quant à lui, indiqué mardi que « la France apporterait son soutien à une éventuelle intervention africaine au Mali dans le cadre des Nations-Unies ».

« Nouvel élan » des relations franco-ivoiriennes

La visite du président Ouattara, reçu pour la première fois par François Hollande, est symbolique. Pour Paris, l’objectif est de donner un « nouvel élan » à ses relations avec son ex-colonie. Des relations qui ont été très étroites ces dernières années, suite à la décennie de turbulences qui s’est abattue sur la Côte d’Ivoire. Avec l’arrivée au pouvoir du président Hollande, les règles qui régissent les relations franco-ivoiriennes se fixent peu à peu. Pour Alassane Ouattara, son homologue ne « changerait rien à des relations très fortes et historiques ».

Contacté par Afrik.com, le politologue Michel Galy, spécialiste de la Côte d’Ivoire, constate qu’« il y a une offensive diplomatique de la France avec dernièrement la visite de Guillaume Soro, l’annulation de la dette ivoirienne et maintenant la rencontre de Ouattara et Hollande à l’Elysée. Tout cela est symbolique. La France a toujours beaucoup d’intérêts en Côte d’Ivoire, et une forte communauté qui y réside ». Il faudra toutefois patienter quelques mois encore pour connaitre la politique du dirigeant français vis-à-vis de la Côte d’Ivoire. Se détachera-t-il de son prédécesseur Nicolas Sarkozy ?

Ouattara-Sarkozy, vingt ans d’amitié

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l’envoi de la Force licorne (450 militaires) pour mettre fin à la crise-post-électorale de novembre 2010, était vu d’un mauvais œil par de nombreux Ivoiriens. Certains pointant du doigt une énième ingérence de l’ex-puissance coloniale. La force Licorne, épaulée par les casques bleus de l’ONU, met finalement fin au sanglant conflit opposant les pro-Gbagbo aux pro-Ouattara, le 11 avril 2011. Ils pénètrent dans le palais présidentiel, délogent Laurent Gbagbo, qui avait refusé de céder le pouvoir à Alassane Ouattara. Aujourd’hui encore, ce dernier est vu comme « le président de la France » par les partisans de l’ancien président ivoirien.

Une image que le président Ouattara s’efforce de gommer. Ami avec Nicolas Sarkozy depuis vingt ans, les deux hommes entretiennent des relations très intimes. L’ex-président français l’avait reçu en janvier et convié à nouveau au lendemain de sa défaite à la présidentielle. L’ex-dirigeant français a toujours été un soutien de taille au président ivoirien, notamment durant le bras-de-fer qui l’opposait à Laurent Gbagbo.

« Hollande sera plus critique envers le régime de Ouattara »

Les rapports Hollande-Ouattara ne sont pas si étroits. Le président français, jadis proche de Laurent Gbagbo avant de lui tourner le dos, « sera bien plus critique à l’égard du régime ivoirien », selon Michel Galy. « Hollande a reçu Ouattara tardivement, bien après Ali Bongo, conséquence de son affinité avec Sarkozy », ce qui n’est pas à son avantage selon le politologue. « Le pouvoir Sarko-ouattariste était très lié. François Hollande cherche aussi à attirer Ouattara sur la question de l’insécurité et des droits de l’homme dans le pays. »

La Côte d’Ivoire est en effet loin d’être apaisée. Le processus de réconciliation nationale a été lancé. Et le président Ouattara a assuré que tous les responsables de crimes dans le pays seront traduits en justice. Mais les pro-Gbagbo, eux, affirment être les seuls à être mis sur le banc des accusés, dénonçant une justice partiale. Une plainte a été déposée mardi à Paris contre le régime du dirigeant ivoirien pour crimes de guerre depuis novembre 2010. La procédure a été menée par Alain Toussaint, ex-conseiller de Laurent Gbagbo, Martine Kei Vao, présidente de l’association des Ressortissants de Côte d’Ivoire et Basile Besnard, avocat au Barreau de Paris. Ils ont écrit un courrier aux ministères des Affaires étrangères, réclamant que la France mène une enquête sur ces exactions.

L’’insécurité occupe en effet toujours le terrain. Dans l’Ouest du pays, les populations sont confrontées quotidiennement aux meurtres, viols, agressions… D’après les pro-Gbagbo, ces crimes sont menés par les milices du régime ivoirien, dont les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Les tueries commises vendredi dans un camp de réfugiés à Duékoué ont marqué les esprits. Alors que les médias annoncent treize morts, des ONGs affirment, selon Alain Toussaint, « qu’il y a eu au moins 211 morts ».

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