Un New Deal pour les Outremers français


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Vendredi 6 novembre, tirant les conclusions des Etats-Généraux de l’Outremer qui se sont réunis d’avril à novembre 2009, le Président de la République a proposé un New Deal pour l’Outremer dans un discours prononcé à l’Elysée devant l’ensemble des élus des régions ultramarines. Expliquant et présentant certaines des 137 mesures actées par le premier Comité interministériel de l’Outremer, Nicolas Sarkozy marque ainsi un tournant dans la relation de la métropole avec ses régions périphériques.

Si la plupart des mesures sont le fruit d’idées, d’analyses et de propositions émises depuis plusieurs années par les ultramarins, c’est la première fois que l’Etat français les endosse et les proclame. S’en faisant désormais l’interprète, le Chef de l’Etat s’engage donc par une série de décisions de niveau ministériel.

Deuxième élément historique, face à un développement des collectivités ultramarines bridé par leur rapport exclusif avec la Métropole, on voit s’esquisser une vision régionalisée des Outremers, qui reconnait la nécessité impérative de leur intégration dans leur environnement régional et la mise en place des structures et des normes permettant de la concrétiser. Nicolas Sarkozy reprend, à cet effet, l’exemple « extravagant » du bœuf brésilien dont les Guyanais doivent se fournir à Rungis alors qu’il est élevé à quelques centaines de kilomètres de chez eux.

Les Outremers et leurs destins propres

Les mesures décidées reposent sur cinq orientations fondamentales qui entérinent la fin des principes qui avaient dirigé jusqu’à présent la relation Métropole-Outremers. Parmi ces orientations, le principe d’égalité qui avait conduit à traiter les régions ultramarines comme un seul bloc, est complété par un principe d’identité qui sonne le glas du principe d’assimilation et reconnait à chaque région un développement propre.

Un principe de responsabilité est proclamé, qui doit justifier un allègement des appareils institutionnels, tandis que le développement reconnu comme endogène et durable se voit doter d’une série de structures opérationnelles nouvelles (Biodiversité, Agence unique de gestion des transports, plan pour l’indépendance énergétique d’ici vingt ans) et de mutualisation des services de l’Etat dans les domaines de l’environnement, des transports et de l’énergie.

A ce titre, des Commissaires au développement sont créés dans les différents départements et la création d’un marché commun des Guyanes sera proposée, notamment au Brésil. Cette initiative audacieuse, proposée par des économistes locaux depuis longtemps, a une portée politique, diplomatique et stratégique majeure puisqu’elle exprime une nouvelle approche des relations entre l‘Europe et l’Amérique du Sud.

Les Ultramarins acteurs de leur avenir

Désormais, la coopération régionale pourra être animée par des négociateurs et des acteurs ultramarins et non plus exclusivement par des diplomates de la Métropole, et un allégement remarquable des régimes des visas entrera en vigueur dès décembre pour faciliter les relations et les affaires entre les collectivités d’Outremer et les pays voisins.

Sur les volets socio-économiques, des mesures techniques et politiques sont prises pour résoudre les distorsions de concurrence et les processus opaques de formation des prix qui avaient conduit aux révoltes populaires aux Antilles et en Guyane de décembre 2008 à février 2009. Reconnaissant l’existence d’oligopoles et de d’inégalités structurelles, l’Etat renforce les processus de contrôle mais aussi d’évaluation statistique ou technique. Si les mesures d’allégement fiscal et de redistribution novateurs sont envisagées pour réparer les dommages de la crise, des mécanismes et des fonds de garantie ou d’investissements sont créés pour les secteurs de l’agriculture ou de la pêche ainsi que pour les PME (sur le modèle du Small Business Act américain).

Sur le plan de la culture et de la communication, des initiatives fortes sont lancées qui restent à ajuster ou approfondir : accès au livre par des fonds de soutien, accès à l’Internet par des aides aux foyers modestes et des défiscalisations des investissements sur les câbles sous-marins, ou alignement des conditions d’exploitation des cinémas sur tout le territoire français, pour financer les productions cinématographiques outre-mer. En outre, pour améliorer la connaissance réciproque des Outremers et de la Métropole, une chaîne de télévision consacrée à l’Outremer (France O) sera diffusée en hertzien dans toute la métropole, et les chaînes hertziennes de la Métropole seront également visibles en Outremer.

Les mesures sont nombreuses (137décisions pratiques) courant huit domaines différents : la relance par de grands projets structurants, les mesures fiscales ou techniques de restauration des marchés locaux, la facilitation des rapports régionaux, ou la tentative de redéfinir les modalités du dialogue social constituent autant d’initiatives caractéristiques d’un véritable New Deal.

Un immense chantier s’ouvre

Mais l’immensité du chantier qui s’ouvre nécessitera des moyens colossaux, d’importantes ressources humaines et une nouvelle approche stratégique et administrative. La transformation du Secrétariat d’Etat à l’Outremer en un Ministère de plein exercice va dans ce sens. Il en est de même avec le renforcement de la Représentation française à Bruxelles par une équipe spécialisée sur les questions ultramarines. Il faudra en effet mettre ces nouvelles orientations en phase avec le droit communautaire : la France, condamnée par l’Union européenne concernant l’octroi de mer, principale taxe et revenu fiscal des régions ultramarines, a jusqu’en 2014 pour se conformer au droit de la concurrence européen. En outre, les enjeux de la coopération régionale touchent des aspects douaniers, de droit international, de prix des produits, et de circuits de distribution.

Enfin et surtout, l’impulsion ne sera concrétisée que s’il y a aussi une vraie mobilisation organisée et soutenue des ultramarins pour faire réussir la mise en œuvre de ce New Deal.

Par Keita Stephenson

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