Un Guinéen à la City


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Mamady Sinkoun Kaba a 30 ans et déjà une société de conseil informatique, qui a su se faire remarquer par les pontes de la City. De Conakry à Londres en passant par Paris, portrait d’un jeune entrepreneur à l’accent british irrésistible.

Mamady Sinkoun Kaba perd un peu son français. Installé à Londres, où il a monté sa société de conseil informatique, ce Guinéen trentenaire est plongé dans la langue de Shakespeare à longueur de temps. Et  » longueur  » n’est pas un vain mot au regard des journées bien remplies de ce jeune chef d’entreprise.  » De 8 heures du matin à 8 heures du soir, nous sommes sur le pont. C’est un travail énorme.  »

Un travail énorme mais qui paie. Créée il y a quatre mois, Mamska Consultancy vient de recevoir le deuxième prix du meilleur cabinet de conseil, décerné par les banques d’affaires et les sociétés de bourse et de finance de la City. Devant cette récompense de la prestigieuse place financière européenne, Mamady oppose le travail, encore le travail.  » J’ai une équipe formidable qui m’épaule « , confie-t-il.

Succès story

En mars dernier, il démarrait avec sa femme (qui s’occupe du côté administratif et des relations clients) et un associé (qui gère la partie technique). Aujourd’hui, il emploie huit personnes, plus des développeurs informatiques intérimaires.  » Tout arrive très vite « , ponctue-t-il de son accent british. Et si son épouse est un peu effrayée par ce succès soudain, lui semble s’en accomoder. Car son rêve est en train de devenir réalité.  » J’ai toujours eu en tête de monter mon entreprise « .

Sa nationalité guinéenne n’a pas été un frein à son succès, au contraire. Arrivé en France à 8 ans, c’est à 19 qu’il prend conscience de son  » africanité « .  » Jusqu’ici je ne faisais pas de différence car on ne me l’avait jamais fait remarquer. Je vivais dans le 16ème arrondissement, à proximité des ambassades. J’évoluais dans des cercles assez ouverts. A 19 ans, je me suis rendu compte que j’étais Noir.  »

Alors que son parcours universitaire le destinait à une carrière dans les relations internationales, faute de trouver du travail dans cette branche, il bifurque. Habitué à voyager dans les valises de ses parents – maman est représentante diplomatique de la Guinée à l’Onu, papa est conseiller économique à la présidence guinéenne -, et très à l’aise en anglais, il part pour les Etats-Unis où il sera receptioniste pour une chaîne hôtelière. Retour en France. Il devient manager à Disneyland Paris. Départ pour Londres où il officiera également en tant que manager pour une autre chaîne hôtelière.

Virus de l’informatique

Entre temps, le démon de l’informatique l’a pris et son père –  » toujours entreprenant  » – lui a  » refilé le virus des affaires « . A Paris, pas de débouchés pour ce jeune homme dynamique et ambitieux.  » J’étais surqualifié. J’ai même essayé de travailler dans une station-service sans succès ! « . Il choisit Londres car il s’y sent à l’aise.  » Ici, vous ressentez moins votre couleur. Il y a beaucoup de managers noirs dans les grands magasins et le journaliste le plus connu de Grande-Bretagne est noir.  » La capitale anglaise a d’autres atouts pour un jeune loup comme Mamady : taxes plus basses et taux de chômage moins élevé qu’en France, nombreuses sociétés high-tech, investissements américains fréquents.

Passionné d’informatique, il est intarissable sur ce  » moyen de communication formidable  » qu’est Internet. Il évoque avec enthousiasme les débouchés et l’avenir du secteur et espère une expansion rapide sur l’Afrique.  » Les Africains doivent accéder à l’outil informatique. Pour cela, il faut des logiciels faciles à comprendre et à utiliser.  »

Retour au pays

Les premières activités de Mamska Consultancy : le développement de sites web utilisables par de parfaits néophytes  » sans l’aide de personne « . Autre projet : fournir aux Etats africains des bases de données et des programmes spécifiques à des coûts relativement bas, un service de  » training  » – un membre de Mamska se déplacera dans ces mêmes Etats pour former les administrations locales -, ainsi qu’une ligne de support technique consultable 24 heures sur 24.

Aujourd’hui exilé, Mamady Kaba tente tant bien que mal de se brancher sur les ondes de RFI pour avoir des nouvelles du pays. En attendant d’y retourner définitivement.  » C’est mon but. Je veux m’installer là-bas et travailler dans le milieu informatique.  » Sa génération, contrairement à celle de son père, cherche à réinvestir en Afrique,  » afin de développer nos pays et d’y rapporter le savoir-faire que nous avons acquis à l’étranger « . Pour une nouvelle Afrique.

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