Tunisie : la région de Gafsa en ébullition


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Redeyef, ville du sud-ouest tunisien, est le centre de toutes les attentions. En guise de protestation suite à la mort d’un jeune manifestant, électrocuté mardi, les habitants de cette ville de 30 000 habitants ont décidé mercredi de vider les lieux pour un temps indéfini. Ils sont finalement rentrés chez eux le soir même par ordre des syndicalistes. Une action spectaculaire qui s’ajoute à d’autres pour faire réagir les autorités, sourdes à leurs revendications.

Depuis janvier, la situation dans le sud-ouest de la Tunisie ne cesse de se dégrader. Les manifestions se font de plus en plus fréquentes dans certaines villes du gouvernorat de Gafsa. Située à près de 60 km de la capitale régionale, Redeyef est devenu le symbole d’une Tunisie en colère. Après concertations, ses habitants ont décidé de vider les lieux mercredi en fin d’après-midi après le drame de la veille à Oum Lârayes, localité voisine de Redeyef. Plusieurs jeunes diplômés chômeurs ont été électrocutés. L’un d’entre eux Ali Ben Jeddou El Aleimi est mort ; un autre, Taoufik Ben Salah, est toujours dans le coma.

Une bavure policière de plus ?

C’est pour protester, une fois de plus, contre les résultats du concours d’entrée à la Compagnie qu’un groupe de jeunes chômeurs ont décidé mardi d’occuper le générateur électrique alimentant les ateliers de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG). Selon plusieurs sources locales, une brigade d’intervention de la police, munie de gaz lacrymogènes, s’est rendue sur place pour dégager les jeunes. L’un des jeunes se serait alors emparé de câbles électriques afin d’empêcher l’évacuation du lieu. Le générateur était hors tension. La remise en route du courant électrique a provoqué son électrocution et celle d’un certain nombre de jeunes qui se trouvaient avec lui. Les secours ne seraient intervenus que plusieurs heures après l’accident.

Pour le moment, la version officielle de l’histoire reste floue. « C’est une question sensible mais pour rester objectif, la police n’a pu commettre un tel acte », affirme la CPG par la voix de son service de presse. Mais pour la population qui réclame l’ouverture d’une enquête indépendante, le coupable est tout désigné. C’est la police qui aurait délibérément réactivé le générateur, sans tenir compte du danger. Le drame a mis la région en émoi et la journée du mardi a été rythmée par des affrontements entre jeunes et forces de police. Abderahman Hedili, responsable du Comité de soutien des mineurs de Gafsa en Tunisie, confirme les faits: « En ce moment, tout est fermé : les écoles, le lycée, les commerces… Redeyef reste en état de siège ».

Une initiative spectaculaire vite avortée

« La présence policière est toujours énorme », affirme M. Hedili. C’est pour « laisser Redeyef aux policiers », selon le communiqué du Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), que les habitants se sont concertés mercredi sur cette action coup de poing. Plusieurs centaines l’ont effectivement fait, emportant avec eux les objets de première nécessité. Mais l’action est décédée prématurément. Après quelques négociations entre autorités et syndicalistes, les habitants sont revenus le soir même. La présence policière devait en effet se réduire. « Finalement, rien n’a changé depuis hier », déclare M. Hedili.

Le chômage, cause de tous les maux

Selon un accord formel, la CPG s’engageait à recruter dès janvier un certain nombre de chômeurs en son sein. Chose qui ne s’est pas faite et qui expliquent l’occupation de mardi. Contacté par Afrik.com, un employé de la compagnie a cependant déclaré que le recrutement de cas sociaux a débuté depuis une dizaine de jours. « On recrute pour le moment ceux dont les parents travaillaient dans la compagnie mais qui ont eu des accidents de travail. Mais les habitants veulent des solutions radicales pour résoudre le problème du chômage, qui est structurel dans le bassin minier de Gafsa », explique l’homme. La CPG ne s’attendait pas à ce que les choses prennent cette « tournure dramatique », ajoute t-il.

Rien à signaler pour Nicolas Sarkozy

« L’espace des libertés progresse », déclarait Nicolas Sarkozy lors de sa visite d’Etat le 28 avril dernier. Ces propos ont provoqué un tollé général de la part des organisations de lutte pour les droits de l’homme. Aucune mention n’a été faite des « évènements de Gafsa ». Alors que la situation empire, les autorités ne voient pour ce conflit social d’autres solutions que la répression et la pression policière selon plusieurs organisations locales. Jusque là, le bassin minier reste officieusement fermé aux journalistes. Aucun média officiel n’a repris l’information. « Après d’âpres discussions, les défenseurs des droits de l’homme ont finalement été autorisés à entrer dans la ville », affirme M. Hedili « La suite que l’on donnera à cette action sera décidé rapidement », conclut t-il.

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