Tunisie : l’après-Ben Ali connaît des débuts difficiles


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Les Tunisiens ont manifesté par centaines mercredi pour réclamer le départ des anciens caciques du régime Ben Ali du gouvernement de transition. L’Union Générale des Travailleurs tunisiens (UGTT), des rangs de laquelle sont issus trois des ministres qui ont démissionné du nouvel exécutif mardi, a annoncé maintenir son refus de participer au gouvernement mercredi. C’est dans cette ambiance délétère que le fragile exécutif s’apprête à tenir son premier Conseil des ministres. Le nouveau gouvernement a la lourde charge de préparer des élections présidentielle et législatives d’ici six mois.

Les Tunisiens ne veulent pas se faire voler leur révolution. Ils étaient plus d’un millier à manifester mercredi dans les rues de Tunis pour réclamer de nouveau le départ de l’ancienne équipe du président déchu Ben Ali du gouvernement de transition, affaibli après le départ de quatre ministres issus de l’opposition. « Peuple, révolte-toi contre les partisans de Ben Ali », scandaient les manifestants, encadrés par un important dispositif policier, indique l’AFP. Trois des ministres démissionnaires appartiennent à la puissante Union Générale des Travailleurs tunisiens (UGTT). La centrale syndicale avait pris part au soulèvement populaire contre Ben Ali et, comme une bonne partie de la population, elle réclame aujourd’hui le départ des anciens caciques du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ex- parti au pouvoir. L’opposant Mustafa Ben Jaafar, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), nommé à la santé, a lui décidé de « suspendre » sa participation au gouvernement. « Parce que le RCD ou ce qu’il en reste nous a dupés (…) Nous nous attendions à ce que des personnalités représentatives du RCD entrent dans ce gouvernement. Mais nous attendions des technocrates, pas des gens «grillés» dont le peuple tunisien ne veut plus », explique Khalil Zaouia, principal conseiller de Mustapha Ben Jaafar, au quotidien Le Figaro.

Un gouvernement sans union

Pour calmer la colère de la rue et regagner les faveurs de l’opposition, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi et le président par intérim Foued Mebazaa ont démissionné du RCD mardi. Ben Jaafar a prudemment laissé entendre que cela pourrait le conduire à réintégrer le gouvernement, mais l’UGTT a fait savoir que cela ne changerait pas sa décision. L’ancien parti au pourvoir aujourd’hui honni a tenté, lui, de sauver les meubles en excluant de ses rangs, mardi, l’ex-président et des proches collaborateurs impliqués dans la répression.

En marge des manifestations de rue, un intense ballet « diplomatique » s’organisait mercredi pour savoir dans quelles conditions les quatre ministres qui ont claqué la porte du gouvernement pourraient le réintégrer ou pas. Mais à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre, puis Mustapha Ben Jaafar, le patron du FDLT, le secrétaire général de l’UGTT, Abdelslam Jrad, annoncé maintenir le refus de son organisation de participer au gouvernement. «Il nous est impossible de participer à un gouvernement qui intègre des symboles de l’ancien régime» a-t-il déclaré.

Le gouvernement de transition, qui est chargé de préparer des élections présidentielle et législatives d’ici six mois, a annoncé la tenue de son premier Conseil des ministres jeudi. Une porte-parole Premier ministre a néanmoins indiqué à l’AFP que la date n’était pas encore absolument certaine. La réunion était initialement prévue pour mercredi, mais a été reportée en raison de la démission des ministres issus de l’opposition. Cette première réunion de l’exécutif de transition devrait notamment porter, selon une source gouvernementale, sur l’application du principe de la séparation de l’Etat avec l’ancien parti au pouvoir et « l’amnistie générale » promise lundi par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi. Longtemps persécutés, les islamistes, qui entendent aussi jouer leur partition dans le débat démocratique en Tunisie, devraient bénéficier de cette loi. Hamad Jebari, secrétaire général et porte-parole du parti Ennahda, férocement réprimé sous le règne de Ben Ali, a discrètement rencontré le Premier ministre lundi. « Nous ne voulons pas d’un retour à la Khomeyni », s’est-il empressé de rassurer dans une déclaration au journal Le Monde.

Enquête sur les biens mal acquis par Ben Ali

Cette loi d’amnistie ne devrait pas toucher le clan de Ben Ali, ni son clan. Une enquête judiciaire a été ouverte contre l’ancien président et sa famille, pour «l’acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers», les «placements illicites à l’étranger» et «l’exportation illégale de devises», rapporte l’agence officielle tunisienne TAP. L’enquête vise nommément l’ancien chef d’Etat, sa femme Leila Trabelsi, «les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères».

La situation en Tunisie était au centre des préoccupations lors de l’ouverture d’un sommet économique des pays arabes, vendredi matin, dans la station égyptienne de Charm el-Cheikh sur la mer Rouge. « La révolution en Tunisie n’est pas éloignée de ce que nous discutons ici », a déclaré Amr Moussa devant ce sommet des 22 membres de l’organisation panarabe, consacré questions économiques. Plusieurs pays arabes, dont Algérie, l’Egypte et la Mauritanie ont connu ces derniers jours une série d’immolations, imitant le jeune Mohamed Bouazizi, dont le suicide par le feu, le 17 décembre dernier, avait marqué le début de la révolte qui a conduit à la chute du président Ben Ali.

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