Tunisie : Interview exclusive de Monsieur Radhi Meddeb, économiste et serial-entrepreneur


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Radhi Meddeb

En prélude au Festival de l’Intelligence Economique Francophone (FIEF) qui a lieu à Djerba le 17 novembre prochain en marge du sommet de la Francophonie, nous avons pu nous entretenir avec Monsieur Radhi Meddeb, Parrain du Festival, également PDG de COMETE, PCA du CFE Tunisie entre autres casquettes.

AFRIK.COM : Votre appréciation sur la Francophonie économique en 2022 ?

Radhi Meddeb : Aujourd’hui, la Francophonie se limite essentiellement à un mouvement culturel, un rassemblement de pays ayant en commun la pratique de la langue française. C’est à la fois énorme et insuffisant. Cela est énorme, car la langue est le véhicule de la pensée et des valeurs. Elle est en même temps, le préalable et le porteur de l’action. Une langue commune traduit un fond culturel largement partagé. Elle présage de structures mentales proches et d’une pratique commune de l’analyse et de la réflexion. Cela est en même temps insuffisant, car nous sommes dans un monde où le matériel s’impose au spirituel, où tout se financiarise et se mesure à l’aune mercantile. La globalisation, que nous vivons, qui s’impose à nous et que nous devons assumer, aura délaissé les valeurs et les humanités au profit des objets de consommation. L’instituteur ou le professeur de lettres, figures historiques et emblématiques de la Francophonie, ne sont plus, dans leurs villages respectifs, des notabilités locales. Ils sont supplantés dans l’échelle de la reconnaissance sociale par des marchands et des acteurs économiques, y compris du secteur informel. La Francophonie doit investir le champ économique, le mettre au service des populations. Son salut passe par là, l’adhésion des populations, également.

AFRIK.COM : Que peut apporter la Francophonie économique aux pays africains?

Radhi Meddeb L’Afrique est un continent jeune, en pleine croissance démographique. Sa population est de plus en plus éduquée. Elle est connectée et aspire aux attributs et bénéfices d’une citoyenneté globale. Sa jeunesse affiche les mêmes exigences que tous les autres citoyens du monde, à savoir l’accès à de plus grandes opportunités économiques et à de meilleures conditions sociales. La prise en compte de la dimension économique dans les politiques publiques est aujourd’hui la seule démarche qui permette de répondre à ces exigences économiques et sociales. La Francophonie économique se doit de continuer à être au service du projet des pères fondateurs de la Francophonie. Elle se doit de perpétuer la quête permanente de la promotion de l’Homme et de son épanouissement. Cela ne passe plus uniquement par l’accès à l’éducation et à la culture pour tous, quand bien même, cela reste incontournable. Cela passe largement par l’économie. La Francophonie devrait se mettre au service de sa jeunesse, trouver les modalités de lui donner de l’espoir, favoriser son inclusion et sa participation active aux affaires de la Cité. La Francophonie économique doit être une modalité d’écoute permanente des signaux faibles des transformations sociétales. Elle doit être en mesure d’adopter et d’adapter les grandes tendances globales au service de sa jeunesse et plus généralement de sa population. En s’insérant dans cette démarche, l’Afrique se donnerait plus d’atouts pour un développement plus inclusif.

AFRIK.COM :  Quelle importance revêt la première édition du Festival de l’intelligence économique francophone que vous parrainez dans ce contexte ?

Radhi Meddeb : La première édition du festival de l’intelligence économique francophone ambitionne de mettre l’économie au cœur des priorités des politiques publiques dans l’ensemble des pays de l’organisation. Elle engage une réflexion et une démarche nouvelles au sein de la Francophonie. Les organisateurs, mais également les intervenants du festival vont débattre de l’intelligence économique, de l’état des lieux, des forces et des faiblesses, mais également des défis et des opportunités d’une telle approche. Leurs travaux devraient se conclure par la production d’actes et de recommandations, à soumettre aux chefs d’États réunis à l’occasion du sommet. Ils entendent assurer un suivi auprès du secrétariat général de la Francophonie pour que leurs recommandations ne restent pas sans suite mais qu’elles soient traduites en projets et actions effectives, de nature à améliorer le climat des affaires dans les pays francophones, qu’elles favorisent les projets créateurs de valeur, une plus forte inclusion de la jeunesse et une participation du plus grand nombre dans l’œuvre de développement. Notre conviction est que le développement économique est indissociable du développement humain et que la culture et l’éducation en sont les vecteurs les plus puissants. Cette démarche est de long cours, mais elle est incontournable. Nous serions heureux de partager ces convictions avec les décideurs économiques et politiques de la région, au service de nos peuples réunis.

Propos recueillis par Oliver Santho, notre envoyé spécial à Tunis

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