
Des données de suivi de vol révélées par Reuters ce lundi 22 décembre mettent en lumière une intensification des opérations de renseignement américaines au-dessus du Nigeria. Depuis fin novembre, un appareil affrété par le Pentagone survole quotidiennement l’espace aérien nigérian, alimentant les spéculations sur les intentions réelles de l’administration Trump.
L’appareil, un Gulfstream V modifié pour les missions de renseignement, est opéré par la société américaine Tenax Aerospace, spécialisée dans les contrats militaires. Décollant généralement d’Accra, au Ghana, il survole le territoire nigérian avant d’y revenir. Ce dispositif aérien déployé fin novembre, marque la reprise des activités de surveillance américaines en Afrique de l’Ouest.
Le contexte : tensions diplomatiques et menaces
Ces vols interviennent dans un climat politique tendu. Le 1er novembre, Donald Trump a menacé le Nigeria d’une intervention militaire, accusant le gouvernement de « tolérer le massacre de chrétiens ». Sur Truth Social, il a promis de « pulvériser les terroristes islamistes ». Son ministre de la Défense, Pete Hegseth, a confirmé que le Pentagone « se prépare à passer à l’action ». Ces déclarations ont été vivement critiquées à Abuja, où les autorités rejettent l’idée d’un « génocide chrétien ».
Selon un ancien responsable américain, la mission ferait partie d’un redéploiement plus large d’actifs de renseignement dans la région, notamment après le retrait des forces américaines du Niger en 2024. Officiellement, les vols viseraient à localiser Kevin Rideout, un pilote missionnaire américain enlevé à Niamey le 21 octobre, et à surveiller les groupes jihadistes comme Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest.
Les autorités américaines affirment parallèlement vouloir « aider le Nigeria à lutter contre les violences religieuses et le terrorisme ».
Une recomposition du dispositif régional
Pour Liam Karr, spécialiste de l’Afrique au think tank American Enterprise Institute, ce regain d’activité aérienne montre que Washington reconstitue son réseau de renseignement dans la région sahélienne. Après la fermeture forcée de la base américaine d’Agadez au Niger et la montée en influence de la Russie, les États-Unis cherchent manifestement à maintenir une présence stratégique en Afrique de l’Ouest via le Ghana et, de fait, au-dessus du Nigeria.
Une intervention américaine plausible ?
Si la Maison-Blanche a demandé au Pentagone de planifier une « action rapide » en cas d’aggravation de la situation, plusieurs analystes appellent à la prudence. Le Nigeria reste un allié stratégique de Washington et un acteur clé de la lutte régionale contre le terrorisme. Le président nigérian Bola Tinubu a rappelé que « la violence touche toutes les communautés » et rejeté toute accusation de persécution religieuse.
Le Nigeria traverse pourtant une période de forte instabilité. Tinubu a proclamé l’état d’urgence sécuritaire en novembre, après une succession d’attaques meurtrières et l’enlèvement de plus de 300 écoliers dans le nord du pays. Les menaces américaines pourraient avoir exacerbé la situation. Ainsi, depuis les déclarations de Trump, les groupes armés multiplient les attaques contre les églises. Selon La Nouvelle Tribune, ils espérent ainsi donner une visibilité internationale à leurs actions.
Entre dissuasion politique, recherche d’un otage et collecte de renseignement, la frontière reste floue. Le Pentagone se dit engagé dans un dialogue constructif avec Abuja, tout en refusant de commenter ses opérations.




