
Alors que l’intérêt pour les universités américaines est en plein essor sur le continent, la décision du président Donald Trump de suspendre les entretiens de visas étudiants bloque des milliers de jeunes Africains aux portes de leurs rêves. Nigeria, Ghana, Kenya et Éthiopie sont en première ligne d’un choc éducatif aux résonances géopolitiques majeures.
La décision du président américain Donald Trump de suspendre les entretiens pour les visas étudiants frappe de plein fouet des milliers d’Africains. Annoncée le 27 mai 2025, cette mesure provoque une onde de choc sur le continent, où les États-Unis restent l’un des premiers choix de destination pour les études supérieures.
Une jeunesse africaine en attente
Selon l’Institute of International Education, en 2023-2024, plus de 56 000 étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités américaines, un chiffre en hausse de 13 % en un an. Le Nigeria, en tête du peloton, comptait 20 000 étudiants sur les campus américains. Le Ghana enregistrait une hausse fulgurante de 45 %, avec près de 9 400 jeunes envoyés à l’étranger. Kenya, Éthiopie et Afrique du Sud complétaient ce top 5 des pays africains les plus représentés.
Depuis fin mai, tous ceux qui n’avaient pas encore obtenu de rendez-vous pour leur entretien consulaire voient leurs projets compromis. Habituellement, le processus d’obtention d’un visa étudiant F-1 prend entre 2 et 4 mois, incluant l’entretien obligatoire dans un consulat américain. La suspension actuelle bloque cette étape cruciale sans délai de reprise annoncé.
« J’ai reçu mon admission à l’université de Californie en mars, mais je n’arrive toujours pas à obtenir un rendez-vous au consulat de Lagos« , confie Amara, étudiante éthiopienne de 22 ans que nous avons contacté. « Toute ma famille s’est cotisée pour financer mes études. Nous sommes dans l’incertitude totale. »
Un tour de vis numérique
L’administration Trump justifie cette mesure par un renforcement des procédures de sécurité nationale. Washington entend également intensifier la surveillance des profils sociaux. Les futurs étudiants devront désormais fournir l’historique de leurs publications sur les réseaux sociaux des cinq dernières années afin de démontrer leur absence de lien avec l’idéologie terroriste.
Le Department of Homeland Security explique vouloir « mieux évaluer les risques sécuritaires potentiels » et « renforcer l’intégrité du système d’immigration étudiante« . Des cas de refus de visa pour des motifs liés à des publications sur les réseaux sociaux ont été signalés, accentuant l’inquiétude dans les familles africaines.
Les universités américaines mobilisées
Paradoxalement, ce sont les universités américaines qui tirent la sonnette d’alarme. Les étudiants internationaux génèrent plus de 43 milliards de dollars de retombées économiques annuelles, selon NAFSA (Association of International Educators) et représente environ 20% des étudiants. Les étudiants africains contribuent à hauteur de 2,8 milliards de dollars à cette économie.
Face à cette situation, un consortium d’universités mené par Harvard, MIT et Stanford a saisi la Cour fédérale de Washington pour contester cette politique. Leur argumentaire porte sur la violation du droit à l’éducation et l’impact économique disproportionné sur l’enseignement supérieur.
« Nous défendons la liberté académique et l’ouverture internationale qui font la force de nos universités« , explique un avocat des plaignants.
Vers une diversification forcée
Cette crise pourrait accélérer la diversification des destinations d’études pour les jeunes Africains. Le Canada a vu les demandes de visas étudiants africains augmenter de 67% depuis janvier 2025. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et même la Turquie voient leurs candidatures exploser.
« Les États-Unis risquent de perdre une génération de talents africains« , analyse un spécialiste du secteur éducatif. « Ces jeunes se tourneront vers d’autres destinations et ne reviendront pas forcément.«