Triste sort pour les veuves au Cameroun


Lecture 3 min.
arton11333

Au Cameroun, la veuve est encore victime de toutes sortes de violences. La loi et les décisions de justice en sa faveur sont bafouées par ses bourreaux. Reportage.

Dans ce pays d’Afrique centrale, la disparition du mari laisse souvent l’épouse dans le désarroi, parce qu’elle devient la cible privilégiée de la famille de son défunt mari. Quelle que soit la tribu ou les coutumes en place, la veuve est une proie pour les uns et les autres, et chaque acte posé sur elle est de nature à porter atteinte à sa dignité.

Pour Félix Fotso, originaire de la province de l’Ouest, « il n’y a rien de plus avilissant que de demander à une veuve de vivre dans les draps de son beau-frère ou de son beau-père ». Cette pratique, en vigueur dans la majorité des tribus Bamiléké de l’Ouest, est, selon lui, une violence psychologique qu’il faut condamner car les conséquences affectent la société entière. « Quand une veuve devient la femme de son beau-père ou de son beau- frère, il se pose un problème dans la succession, car les enfants issus du deuxième mariage n’ont pas les mêmes droits que ceux du mari défunt. En plus, lorsque cette femme décède, il est interdit de l’inhumer dans la concession de son premier époux et chez le second, il peut arriver qu’on ne l’admette pas », argumente-t-il.

Originaire de la province du Centre, Cyrille Noah estime, pour sa part, qu’il est important que chaque homme laisse une lettre à sa famille lui interdisant de maltraiter son épouse sous le prétexte des rites de veuvage. « C’est le moment où beaucoup de comptes se règlent sur le dos de la femme et, parfois, si le défunt a laissé des biens, on profite du temps du rite pour éliminer la femme ou, alors, lui jeter un mauvais sort dont le traitement va lui faire dépenser tous ces biens », défend-il.

Citant l’exemple de sa tante, il explique que celle-ci a été chassée mystiquement de la famille de son défunt époux après s’être soumise au rite de veuvage. « A son retour du bain dans le ruisseau, elle a délibérément décidé d’emballer ses effets pour partir. Ce n’est que plusieurs années après, qu’on nous a dit que pendant le bain, on a utilisé une herbe qui l’a fait agir de la sorte », explique-t-il avant de s’interroger: « pourquoi tout cela alors qu’elle a souffert toute seule pendant la maladie de son mari? »

La loi n’arrive pas à protéger les veuves

Aucune région du Cameroun n’échappe à la pratique, qui revêt cependant des formes diverses d’une localité à une autre. Originaire de la province de l’Est, Eugénie Atouba indique que le dossier de pension de sa sœur, bloqué par le refus de la belle- famille de tenir un conseil n’a été débloquée que grâce à l’intervention des responsables du ministère des Affaires sociales, collègues du défunt. Malheureusement, s’émeut-elle encore, sa sœur est décédée brutalement quelques jours seulement avant le déblocage de l’argent du rappel.

Selon le sociologue-anthropologue Georges N. , ce traitement infligé à la veuve émane de la conception très ancienne de la place de la femme dans la société, mais l’ampleur que prend le phénomène aujourd’hui mérite que les autorités prennent des mesures nécessaires. La femme, explique-t-il, a toujours été considérée comme un objet dont se sert l’homme et qui ne doit en aucun cas avoir droit à la moindre considération. « C’est la raison pour laquelle, certains hommes avertis prennent des précautions testamentaires pour protéger leur épouse de certains abus. »

Le juriste Oumbémou Ambassa constate que les veuves sont de plus en plus abusées, alors que la loi camerounaise protège la veuve sur les plan civil et pénal. Cependant, souligne-t-il, lorsqu’une famille décide unanimement de faire partir une veuve de son territoire la loi devient impuissante. Selon lui, il a été constaté qu’après une décision de justice favorisant la veuve, la famille du défunt continue le combat et pousse ainsi certaines femmes à abandonner, histoire de sauver leur peau et la vie de leurs enfants.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News