Transferts d’argent en Afrique : de la manne à la création de richesse


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Les travailleurs immigrés africains des Pays les Moins Avancés ont transféré, en 2004, 7,7 milliards de dollars à destination de leur pays d’origine. C’est ce qu’indique une étude de l’Organisation internationale pour les migrations publiée mardi. Elle recommande que le coût des transferts soit revu à la baisse, pour plus de transparence, et que des mesures soient mises en place, même si ce n’est pas leur vocation première, afin que ces fonds créent de la richesse dans les pays concernés.

Ce sont 10,4 milliards de dollars qui ont été transférés dans les Pays les Moins Avancés (PMA) par les travailleurs immigrés en 2004. En quatre ans, ils ont ainsi presque doublé : en 2000 leur montant était estimé à 6 milliards de dollars. Ceux originaires d’Afrique sub-saharienne ont envoyé, pour leur part, 7,7 milliards à leurs proches. C’est ce que révèle une étude, publiée mardi, par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ces transferts surpassent l’investissement direct étranger et correspondent à un peu moins de la moitié des 25 milliards de dollars qui ont été accordés, en 2004, au titre de l’aide au développement, aux 50 pays les plus pauvres du monde. La plupart d’entre eux se trouvant sur le continent africain. Pour le Lesotho, ces transferts ont représenté en 2004, 30 % de son Produit national brut et 24,4% pour Haïti.

Du bien-être de sa famille et de la communauté…

« Ils servent essentiellement à améliorer le quotidien des familles participant ainsi à la réduction de la pauvreté », explique Jean-Philippe Chauzy, porte-parole de l’OIM. Dans plusieurs pays comme le Mali, avec la région de Kayes – bassin très important de l’émigration vers l’Europe – le Sénégal ou encore la Mauritanie, ces fonds participent au développement local. Ils financent ainsi la construction d’écoles ou de dispensaires. Et émanent en majorité, « de travailleurs peu ou pas qualifiés. Cela est très spécifique à l’Afrique sub-saharienne », indique le porte-parole. Cette étude réalisée à partir des publications présentées, en février 2006, lors d’une rencontre des PMA à Cotonou [[La rencontre a réuni, pour la première fois, tous les leaders politiques des PMA, les organisations internationales et celles du système des Nations Unies et des partenaires au développement. Ces derniers se sont notamment penchés sur la question des transferts de fonds.]], « établit que de nombreux pays ne les comptabilisent pas ». D’autant plus, et c’est le deuxième point, « qu’une grande partie des remises de fonds se fait de manière informelle. » En Ouganda, 80% des transferts sont ainsi réalisés. Raison pour laquelle, les estimations réalisées ne peuvent qu’être qu’approximatives.

Exemple avec les systèmes basées sur la confiance, comme l’Hawala qui se pratique « beaucoup dans les pays musulmans ». Les protagonistes : les expatriés, les intermédiaires et les familles. Aussi, ces flux financiers informels, s’ils s’inscrivent globalement dans un cadre non répréhensible, posent la question du blanchiment de l’argent sale et, à l’heure actuelle, du financement du terrorisme. Un des motifs pour lequel « les Etats préfèrent que l’argent transite par des circuits transparents », note Jean-Philippe Chauzy. En d’autres termes, les circuits financiers traditionnels. C’est dans ce sens que l’OIM suggère « qu’un effort soit fait pour limiter les coûts de transfert. La concurrence qui va en s’accroissant va certainement conduire les opérateurs à réduire leurs marges bénéficiaires ». Les commissions qui représentent 15 à 20% de la somme envoyée pourraient ainsi passer de 6 à 7%. Les Haïtiens ont, par exemple, établi un partenariat avec les banques américaines à travers le Fonkoze (Fondasyon Kole Zepol), la plus importante organisation de microfinance haïtienne qui permet de réduire ses coûts.

…à la création effective de richesse dans l’économie nationale

«Pour une petite partie de ses fonds, poursuit M. Chauzy, des mesures incitatives comme des cadeaux fiscaux aux expatriés, qui sont très au courant des possibilités d’investissement dans leurs pays, pourraient les encourager à investir.» Une option intéressante pour les PMA qui peinent à mobiliser l’épargne au niveau local. Dans le cadre plus général des pays en voie de développement, dont le montant des remises de fonds est passé de 100 milliards, en 2003, à 167 milliards en 2005 (Inde et Chine en tête), le Maroc et le Mexique comptent parmi ceux qui ont installé des dispositifs. Au Mexique, par exemple, les capitaux déposés par des non-résidents, durant une certaine période, sont survalorisés. Néanmoins, Jean-Philippe Chauzy remarque que « c’est de l’argent privé dont l’usage ne regarde pas les gouvernements et qu’il « ne doit pas se substituer à l’aide au développement ». Il n’empêche qu’entre l’efficacité économique avérée de l’investissement direct étranger et celle, souvent remise en question par certains, de l’aide au développement, les transferts de fonds doivent trouver leur place afin de contribuer à la croissance des pays les plus pauvres de la planète.

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