Togo : les sachets d’eau ont une seconde vie


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Nina Akue au milieu des produits recyclés Zam-Ké

Lancé en juin 2011, le projet Zam-Ké, comprenez « utilise-moi encore », se veut une alternative forte à la pollution des rues togolaises par les sachets d’eau. C’est l’ONG Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, née en 2000, qui porte ce projet ambitieux de transformation des sachets d’eau usés en articles en tous genres. Entretien avec Nina Akue, chargé du projet et coordinatrice adjointe des projets de l’association, qui tente surtout de faire changer les mentalités.

Afrik.com : Comment procédez-vous pour la confection de vos produits ?

Nina Akue :
Nos avons une équipe de laveuses qui s’occupe de collecter les sachets dans les rues, beaucoup de particuliers nous les livrent également. Elles les lavent ensuite avec des produits désinfectants. Une fois lavés, les sachets sont envoyés en ateliers pour la confection. Les gains récoltés de la vente de nos produits doivent permettre de continuer à rémunérer les six personnes travaillant sur le projet, et surtout à financer les autres projets éducatifs de l’ONG.

Afrik.com : Comment choisissez-vous les modèles ?

Nina Akue :
Nous n’avons pas de personnel qui dessine les modèles, ni de bureau réel qui décide de quels produits il faut faire ou non. Toute l’équipe participe aux idées de produits qu’on peut fabriquer. Ensuite, on essaie d’en confectionner un. Si au niveau de la production, des coûts et de l’esthétique, ça fonctionne, alors nous le mettons dans nos catalogues. Nous recevons aussi des commandes spécifiques d’articles qui ne figurent pas dans nos catalogues. Pour l’esthétique, c’est la même chose, toute l’équipe donne son avis. Après cela, c’est la coordination qui décide si oui ou non on l’ajoute ou pas. Mais aujourd’hui, nous disposons déjà d’un catalogue bien défini.

Afrik.com : Quels articles fabriquez-vous à partir de ces sachets d’eau?

Nina Akue :
Nous fabriquons des porte-monnaies, des trousses, des sacs à main, des sacs de courses, des sacs d’écolier, des trousses de toilettes, des poubelles de bureau, des pots à crayon pour ne citer que cela. Nos produits sont disponibles dans certains centres culturels, dans des librairies et certains supermarchés. Tous nos clients sont contents, d’abord parce qu’aux yeux des copains, voisins, amis, ils ont des accessoires très originaux et surtout parce qu’ils font un geste écolo.

Afrik.com : Comment réagissent les gens à la vue de vos articles ? Ils sont surpris ?

Nina Akue :
Nos articles sont accueillis avec beaucoup d’enthousiasme mais surtout beaucoup d’étonnement. Les gens ont plutôt l’habitude de voir ces sachets d’eau dans les rues ! Mais ils trouvent l’idée est géniale. Nos ventes sont toujours accompagnées d’un temps d’échange avec le client où nous lui expliquons l’intérêt de notre projet, ainsi que ce que nous devons faire des sachets d’eau une fois consommés. Nous mettons également en place des partenariats avec les écoles qui nous permettront de passer dans les classes afin de sensibiliser les élèves sur la problématique des sachets et les inciter aux tris des déchets. C’est un volet très important pour nous.

Afrik.com : Une anecdote à ce propos…

Nina Akue :
Les clients sont très curieux et nous posent plein de questions et surtout si c’est au Togo qu’on fabrique ces articles. Je me rappelle d’une dame à une exposition-vente. Elle est venue à notre stand et touché les articles. Très étonnée, elle nous a ensuite posé plein de questions. Nous lui avons répondu et après avoir observé chacun des articles, elle s’est mise à côté de notre stand et a commencé à louer nos produits à chaque client qui passait par là.

Afrik.com : Ce projet a démarré il y a un peu moins d’un an, comment avez-vous eu l’idée de recycler ces sachets d’eau usagés qu’on appelle « pure water »?

Nina Akue :
Nous sommes partis d’un constat simple : la population togolaise consomme énormément d’eau en sachets. Et qu’est-ce qui se passe après ? Ces sachets finissent dans les rues. Nous savons tous les dégâts que cela engendre sur notre planète, c’est ce qui nous a motivés. Nous avons donc voulu donner une seconde vie à ses sachets en les utilisant pour fabriquer d’autres produits. La pollution est une problématique majeure car l’Etat n’a pas encore trouvé une solution efficace pour transformer les sachets qui se trouvent dans les rues. Par conséquent, une grande majorité de la population opte pour l’incinération des sachets. Cette solution est encore plus dangereuse car les fumées sont nocives pour la population et l’environnement.

Afrik.com : On accuse aussi ces sachets d’être responsables des inondations au Togo. C’est une accusation fondée ?

Nina Akue :
Oui, je le crois. Ces sachets ne sont peut-être pas les seules causes des inondations au Togo, mais ils y participent dans une large mesure. Les problèmes écologiques que provoquent ces sachets plastiques en général, y compris les « pure water », sont considérables. Les sachets dans les rues imperméabilisent les sols. Lorsqu’il pleut, l’eau ne s’infiltre pas dans la terre et reste en surface. Cette eau s’accumule et cause des inondations sur le long terme. Or, depuis des années, les sols togolais sont recouverts de tonnes de sachets. Les maladies en sont les conséquences directes car elles provoquent la prolifération des moustiques, à l’origine du paludisme et d’autres maladies parasitaires, et d’autres insectes près des eaux usées qui n’ont pu être absorbées par le sol.

Nina Akue au milieu des produits recyclés Zam-Ké

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