Togo : le hip-hop n’adoucit pas toujours les moeurs


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Le public togolais a réclamé à coup de projectiles l’attribution du meilleur album à Risher Khéte’T à la 6e édition des Togo hip-hop Awards (THHA), qui récompense les meilleurs artistes de la scène hip-hop. La cérémonie, qui s’est achevée vendredi en queue de poisson, dénote du malaise qui règne dans le hip-hop togolais.

Tout avait pourtant bien commencé. Le jury a décerné jusque là 4 trophées sur les 9 prévue au cours de cette soirée. L’annonce du nom Ali-Jezz comme lauréat du trophée « Meilleur album de l’année » a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

L’artiste n’a même pas eu le temps de monter le podium que les projectiles ont commencé à fuser de partout en direction de la scène. Senza et Menli du groupe The Seeds qui ont annoncé « la mauvaise nouvelle » ont vite fait de fuir l’estrade, de même que l’artiste contesté qui a très vite fui les lieux. Tous ont déserté la scène, fuyant les bouteilles d’eau, les cannettes et des bouteilles dont le contenu n’est autre que de l’urine.

La raison est toute simple : le public a estimé que le trophée de cette catégorie devrait revenir à Risher, un autre jeune artiste, plébiscité depuis quelques temps par les aficionados togolais. « Ils ont triché Risher (sic). Nous ne pouvons pas comprendre comment Ali-Jezz peut gagner ce prix. Vous-même vous voyez que c’est toute la salle qui est en train de contester ce prix que le jury veut décerner à Ali », vocifère un fan du rappeur « triché ».

L’album Hip hop grand format d’Ali Jezz ne fait pas le poids devant Parmi les meilleurs de Risher, analyse un critique musical. Seule Djena, un remix de l’une des chansons de King Mensah, une référence de la scène musicale togolaise, peut-être peut être considéré comme une réussite. « Ali Jezz ne chante rien de moral. Comparé à l’album de Risher plein d’enseignements, et calqué sur nos vécus quotidiens », pense Lucie Almeida, une spectatrice.

Quant à Risher retranché dans les coulisses, il a refusé toute négociation lors de cette soirée, estimant aussi que ce prix devrait lui revenir de droit. « Vous les entendez hurlez mon nom et chanter mes chansons ? C’est la preuve que je mérite largement ce prix », s’insurge l’artiste très remonté.

« Nous voulons voir le prix attribué à Risher, avant de quitter cette salle », exigent les jeunes « rebelles ». Malgré les remous du public surexcité, le jury n’est pas revenu sur sa décision et le prix contesté n’a pas non plus été remis à Ali-Jezz.

Des tractations se sont poursuivies afin que le rappeur puisque prendre le micro et calmer ses fans très agités, voire agressifs. Le temps passe. Trente minutes…une heure et plus. Et quand finalement « la star de la soirée », convaincue par ses pairs et amis d’aller calmer la tension de la salle, le Président du comité d’organisation de la cérémonie refuse que l’artiste ne touche le micro. Il a reproché à Risher Khete’T d’avoir laissé la situation s’envenimer. Entre temps, les forces de sécurité sont intervenues pour calmer le public. En vain. La tension était palpable jusqu’à 1h30 du matin où le public a décidé de quitter les lieux.

Des trophées de complaisance ?

Plusieurs observateurs de la scène hip-hop togolaise se sont étonnés de la composition du jury. Ils n’ont pas compris pourquoi la présidence du jury de ces trophées est revenue à Steven AF, réalisateur de presque la totalité des clips de Ali-Jezz, et bien-sûr de Ajan qui raflera le trophée du meilleur clip. Nul ne doute non plus de l’affinité entre Ali-Jezz et Lovejoyce, membre du jury et presque manager du Métis de Bè (quartier populaire de Lomé) . « Je ne veux pas savoir les critères sur lesquels le jury se base pour décerner ces prix, mais tout n’est pas clair pour nous, d’où ceremue-ménages », explique B. Junior, un promoteur culturel, qui se dit déçu par l’échec de cette édition.

Le seul trophée ayant fait l’unanimité est bien celui du « Meilleur artiste R’n’B » qui est allé à Omar B. , jeune artiste et ingénieur du son très apprécié au Togo. Dans la catégorie « Meilleur clip vidéo », Ali Jezz est passé devant ses adversaires Poundy Cissé, Ghetto Mik, Master Popa, Ty G, Freekers et Kanoman. « Croyez- vous que si ce n’était pas son réalisateur qui est en même temps le Président du jury, il allait gagner dans cette catégorie ? », a noté un spectateur, visiblement anti-Ali.

« Y’a encore de l’Espoir, le titre en compétition du groupe Les 100 papiers n’a rien de reggae ou dancehall, mais ils ont tout de même décroché le prix dans la catégorie « Meilleur tube reggae dance-soul », remarque un agent d’artiste. Et d’ajouter : « Je sais qu’ils veulent sauvegarder leur image. Je reconnais la qualité de ce groupe, mais ce trophée ne leur colle pas ».

Pour d’autres analystes « les organisateurs de cette cérémonie doivent faire attention. Décerner des awards ne veut pas dire tout faire pour conserver le statut de leaders ou de favoris », estime Dieudonné Kévin, animateur télé. D’autres récompenses prévues, notamment dans les catégories « Révélation », « Break Dance », « Tube de l’Année »et les prix spéciaux n’ont pu être attribués. Les promoteurs l’ont finalement fait 48 heures après, en direct des studios de la radio, organisatrice de l’évènement. Aisi de Masta Popa s’est vu décerné le prix du Tube de l’année. Lauress, la révélation de l’année, et No Limit se contente du meilleur groupe Break Dance 2009.

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