Togo : l’éternel recommencement


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Depuis cinquante ans, les acteurs politiques togolais, du côté du pouvoir comme du côté de l’opposition, ont un petit air de famille. Faure Gnassingbé a remplacé son père, le président Eyadéma, à la tête du pays et Gilchrist Olympio, le fils du premier chef d’Etat du Togo assassiné par Eyadéma, tente de revenir sur la scène politique, à travers son parti l’Union des forces de changement (UFC). Lumière sur cette lutte clanique sur fond de marasme économique qui semble se transmette de génération en génération.

Pour le cinquantenaire de l’indépendance de leur pays, les partis politiques n’ont pas réussi à se mettre d’accord. L’Union des Forces de changement (UFC, principal parti d’opposition) a refusé de prendre part aux festivités préparées par les autorités. Résultat : les Togolais ont fêté mardi cet événement séparément. Cette situation témoigne des tensions qui perdurent depuis plus quarante années entre les deux principaux clans : L’UFC et le Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir). Un climat qui s’est détérioré suite aux résultats contestés de l’élection présidentielle du 4 mars dernier qui a reconduit le président Faure Gnassingbé et sonné la défaite de l’UFC représenté par Jean-Pierre Fabre et dirigé par Gilchrist Olympio, le fils du premier président togolais.

Flash back

Il faut remonter 47 ans auparavant, quelques années après l’indépendance du Togo le 27 avril 1960, pour comprendre comment ces tensions se sont muées en une longue crise politique. Tout commence, le 13 janvier 1963. Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance, est assassiné par un certain sergent lié au régime français, Etienne Eyadéma. Suite à ce coup d’Etat, le comité insurrectionnel des miliaires désigne Nicolas Grunitzy qui reprend la tête du Togo. Quatre ans jour pour jour après ce tragique événement, la Grande muette reprend le pouvoir et Etienne Eyadéma devient officiellement président de la République, chef du gouvernement et ministre de la défense. C’est le début de l’ère Eyadéma.

Durant ces 38 années de règne, le chef de l’Etat institue un régime autoritaire : interdiction des partis d’opposition, instauration du RPT comme parti unique en 1969, assassinats politiques et répressions policières. Le Comité de l’Unité Togolais (CUT) qui comptait parmi ses membres Sylvanus Olympio est contraint de rester dans l’ombre. Il leur faut attendre 1992 et la réhabilitation du multipartisme pour rentrer sur la scène politique. L’UFC, le parti héritier du CUT, dirigé par Gilchrist Olympio, se présente en 1998. Mais c’est un échec. Alors que le décompte des voix indique la victoire du leader de l’UFC, les autorités suspendent le processus électoral. Eyadéma est finalement réélu. Les sanctions de l’Union européenne (suspension de sa coopération avec le Togo, ndlr) et les grèves massives des Togolais ne changent rien à la situation. Et le président Togolais, après avoir fait modifier la Constitution en 2002, reste au pouvoir jusqu’à sa mort, le 5 février 2005.

Malgré les manifestations de la population, l’alternance politique tant espérée ne se fait pas. C’est finalement Faure Gnassingbé, le fils d’Eyadéma qui reprend le flambeau à l’issue des élections présidentielles de 2005, alors que l’UFC conduit par Emmanuel Bob Akitani déclare avoir remporté le scrutin avec 70% des suffrages. Les violences survenues au cours de ces élections contestées font plus de 400 morts, selon l’ONU.

Un pays économiquement fragile

En 43 ans, la famille Eyadéma aura plongé le Togo, autrefois convoité par l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France pour son sous-sol riche en phosphates, dans le marasme économique. Aujourd’hui, le pays peine à décoller (son PIB par habitant s’élève en 2008 à 449$), et il se trouve à la traine par rapport à ses voisins : le Ghana (713$) et le Bénin (771$). Malgré les réformes économiques engagées par le président Faure Gnassingbé, reposant en grande partie sur la réduction des dépenses publiques et la baisse des impôts sur les sociétés en 2009, le secteur agricole (coton, cacao) reste en difficulté, de même que l’exploitation du phosphate dont le Togo est le 17ème producteur mondial (40% des recettes à l’export).

Cinquante ans après son indépendance, le Togo, ne semble pas avoir beaucoup changé. Dans ce pays, les crises politiques et les défis économiques se suivent et se ressemblent.

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