Togo : Faure Gnassingbé face à son peuple


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La tension politique est maximale à Lomé, capitale du Togo, après les manifestations massives qui ont eu lieu mercredi 6 et jeudi 7 septembre 2017, à l’appel de la coalition de plusieurs organisations d’opposition qui réclament une alternance politique. Le peuple est descendu dans la rue, une véritable marée humaine face à laquelle le président ne peut rester immobile.

Le calme avant la tempête? Après les mobilisations monstres de la semaine, c’est un samedi et dimanche paisibles qu’ont vécus les habitants de Lomé, qui ont pu retrouver leurs occupations dominicales habituelles, loisirs et cultes. Pour autant le message envoyé au président togolais est clair : le peuple compte sur des réformes institutionnelles concrètes, et l’engagement d’un véritable processus démocratique, qui pourrait conduire à l’alternance. –

Incrédules face à une véritable volonté de faire bouger les choses de la part d’un pouvoir qui apparaît à bout de souffle, plusieurs leaders de l’opposition togolaise ont déclaré dimanche ne « rien attendre » de la réforme constitutionnelle annoncée par le gouvernement avant même les manifestations massives de la dernière semaine.

Eric Dupuy, porte-parole de la coalition de cinq partis d’opposition Cap 2015 – une des organisatrices des manifestations de mercredi et jeudi – a qualifié cette réforme de « dilatoire ». « Nous n’attendons rien de cela », a-t-il répété à l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Il faut rappeler que le président du Togo, Faure Gnassingbé, a succédé il y a 12 ans à son père, le général Gnassingbé Eyadéma qui dirigeait ce pays depuis presque 40 ans, après avoir pris le pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire, bénéficiant, en pleine guerre froide, de la bénédiction de la France, ancienne puissance coloniale.

L’un des objectifs de l’opposition togolaise est de voir inscrire dans la Constitution une limitation des mandats présidentiels à deux, couvrant donc 10 ans au maximum. si une telle disposition était prise, l’actuel président, déjà réélu à deux reprises, ne pourrait plus se représenter.

Telle n’est évidemment pas l’analyse des soutiens de Faure Gnassingbé, pour lesquels cette modification constitutionnelle ne saurait avoir valeur rétroactive, et laisserait donc à leur champion la possibilité de se faire encore réélire deux fois, donc de rester, potentiellement, 25 années au pouvoir.

Le communiqué du gouvernement publié mardi 5 septembre, avant même les manifestations de masse qui se sont déroulées depuis, annonçait la présentation à l’Assemblée nationale de réformes constitutionnelles concernant la « limitation des mandats et le mode de scrutin » : mais le peuple togolais ne semble pas vouloir se contenter d’une réforme ambiguë et incomplète. Pour les manifestants, le mandat en cours doit être le dernier pour Faure Gnassingbé, et il devra laisser sa place dès 2020… sinon avant, car la colère gronde !

En tout état de cause, la pression est maximale autour de la réunion de l’Assemblée nationale, ce mardi 12 septembre, au cours de laquelle 3 articles de la constitution pourraient être réformés. L’opposition a probablement intérêt à accepter les modifications envisagées, qui sont un premier pas vers la satisfaction de ses autres attentes : la réforme de la composition de la CENI, aujourd’hui trop politique, et la révision du découpage électoral… Avant l’organisation d’élections municipales.

Toujours est-il que le précédent burkinabè est dans tous les esprits. Le peuple togolais est un peuple pacifique, il ne souhaite pas le bain de sang. Mais il a pris cette semaine une pleine conscience de sa force, et n’entend pas brader sa souveraineté. Il revient au Président Gnassingbé de tenir compte de ce nouveau contexte politique sans chercher à biaiser. Faute de quoi il pourrait bien connaître le même sort que le Président burkinabè Blaise Compaoré, exfiltré en urgence vers la Côte d’ivoire, pour échapper à un destin plus funeste.

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