Tensions en RDC : violences à Bukavu après un appel à marcher pour le M23


Lecture 4 min.
La ville de Bukavu
La ville de Bukavu

La situation sécuritaire reste explosive dans l’est de la RDC. Ce mercredi 24 décembre 2025, un calme précaire est revenu à Bukavu (Sud-Kivu) après une journée de violences. Le gouvernement congolais accuse la rébellion de l’AFC/M23 et ses soutiens rwandais d’instrumentaliser les populations civiles à des fins de propagande, alors que la ville a été secouée par des affrontements et une opération « ville morte ».

Ce mercredi, le calme est revenu à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu tombé aux mains des rebelles du M23 depuis bientôt un an. Un calme qui intervient après une rude journée du mardi.

Marches pro-M23 : une « manipulation » selon Kinshasa

Dans un communiqué publié mardi 23 décembre, le ministère de la Communication et des Médias, par la voix de son porte-parole Patrick Muyaya, a condamné avec fermeté ce qu’il qualifie de « manipulation politique et de prise d’otages collective » des populations de l’est du pays.

Selon l’Exécutif, des civils auraient été contraints d’organiser et de participer à des marches présentées comme un soutien au mouvement rebelle M23. Ces manifestations visaient également à dénoncer les pressions internationales, notamment américaines, appelant au retrait de ce groupe armé.

Le document officiel précise que ces manifestations « forcées » ont été signalées dans plusieurs localités stratégiques : Uvira le 16 décembre, Kamanyola le 19 décembre, Goma le 22 décembre, ainsi que dans les zones périphériques de Bukavu, Sake et Kiwanja le 23 décembre 2025. Kinshasa affirme que ces rassemblements sont orchestrés dans les zones sous influence ou occupation de l’AFC/M23, agissant « aux côtés des Forces de défense rwandaises ».

Le gouvernement dénonce un crime contre la dignité humaine

Le gouvernement congolais fustige des pratiques consistant à forcer des civils, y compris des femmes et des jeunes, à participer à des manifestations soutenant ce qu’il qualifie de « présence militaire étrangère illégitime ». Pour les autorités, ces actions relèvent d’une guerre psychologique assimilable à un crime contre la dignité humaine.

Dans son communiqué, Kinshasa met en garde : l’utilisation des populations comme boucliers humains ou instruments de propagande constitue une atteinte grave à la souveraineté nationale. Le gouvernement promet que ces violations des droits fondamentaux ne resteront pas impunies et feront l’objet de sanctions sévères.

Bukavu paralysée : affrontements entre Wazalendo et pro-M23 ?

Ces accusations gouvernementales interviennent dans un climat particulièrement tendu au Sud-Kivu. La ville de Bukavu a été paralysée mardi par une journée de fortes tensions. Selon les autorités locales et des témoins, la situation faisait suite à un appel à une marche pro-M23 (attribué aux rebelles), auquel la société civile a riposté en décrétant une journée « ville morte ».

Simultanément, des groupes armés locaux Wazalendo se seraient positionnés autour de la ville pour empêcher toute manifestation favorable aux rebelles. Cette confrontation indirecte a plongé Bukavu dans une situation de blocage total.

Des tirs d’armes automatiques ont été entendus dès la matinée, notamment dans la commune populaire de Kadutu. Le bilan humain fait état d’au moins une victime : un pasteur tué par une balle perdue dans l’enceinte de son église, à Buholo 1er (quartier Mosala). À Panzi, un engin explosif a causé des dégâts matériels importants sur une habitation.

Retour au calme précaire mais inquiétudes persistantes

Ce mercredi, la situation semble s’être stabilisée. Les activités commerciales et les transports en commun ont repris à Bukavu. Toutefois, cet apaisement reste fragile dans une région où la présence de multiples acteurs armés alimente une insécurité chronique.

Face à l’escalade, Kinshasa réaffirme sa détermination à restaurer l’autorité de l’État et salue la résilience des habitants, appelant à la vigilance et au soutien envers les Forces armées de la RDC (FARDC).

Malgré les tensions, le gouvernement assure maintenir les canaux diplomatiques ouverts pour tenter de ramener la stabilité dans la région des Grands Lacs, bien que l’option militaire semble primer sur le terrain.

Avatar photo
Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
Facebook Linkedin
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News