Témoignage : à la découverte de la longue histoire des noirs au Mexique


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« Mes racines Afro-Mexicaines peuvent être retracées jusqu’à mon grand-père Daniel Thornton. Né au Texas, il a immigré au Mexique pour échapper au racisme des États-Unis au début du 20ème siècle. Là, il a épousé ma grand-mère, Tráncito Pérez de Ruíz en 1914.

Par Alva Moore Stevenson

Traduit de l’Anglais par Guy Everard Mbarga

De nombreux Afro-Mexicains partagent la même histoire familiale. Mais, beaucoup de Noirs sont arrivés au Mexique des siècles avant mon grand-père.

Des spécialistes comme Ivan Van Sertima, auteur de “They Came Before Columbus,” (Ils y étaient avant Colomb) nous raconte que les Égyptiens et les Nubiens sont venus au Mexique durant la période Précolombienne environ 1200 années avant J.C. La civilisation Olmèque pourrait descendre des Africains ou avoir eu des contacts avec eux. Il cite comme preuve les traits physiques Africains des visages des têtes Olmèques à La Venta, Tabasco, et San Lorenzo, Veracruz. La recherche de Van Sertima est controversée et très peu acceptée par les historiens de la mainstream.

En général, on pense que les premiers Africains arrivés au Mexique étaient les Noirs qui accompagnaient les conquistadors.

L’un des tout premiers fut Juan Garrido qui accompagna le colon Espagnol Hernán Cortes aux environs de 1510 et participa à la chute de Tenochtitlan, capitale des Aztèques. Garrido était le premier à semer le blé et à produire de la farine dans l’hémisphère Ouest.

Natif de l’Afrique de l’Ouest, il se rendit à Lisbonne au Portugal pour se convertir au Christianisme et s’instruire. On spécule sur le fait que Garrido ait pu être issu d’une famille royale sur sa terre natale—d’où son statut d’homme libre.

Avant d’arriver au Mexique, il faisait partie des expéditions de Nicolás De Ovando, Ponce de León et Diego Velásquez. Garrido voyagea à Hispañola (l’Île comprenant Haïti et la République Dominicaine), Porto Rico, Cuba, la Guadeloupe, la Dominique et en Floride. Plus tard, Garrído rechercha encore la célébrité et la fortune à des endroits tels que Michoacán et Baja California. Il mourut pauvre et oublié, mais sa contribution par le biais d’une denrée alimentaire a changé à jamais nos habitudes alimentaires.

Au cours du 16ème siècle, les Afro-Mexicains se classent dans trois catégories: les esclaves, les auxiliaires armés et les auxiliaires non armés, les deux derniers comprenant à la fois des esclaves et d’autres libres. Selon l’auteur de “Black Conquistadors” Matthew Restall, “…c’est essentiellement après cette date [1510] que les serviteurs Noirs armés et les esclaves ont commencé à jouer des rôles militaires significatifs dans les entreprises de conquêtes des Espagnols.”

D’autres Africains très tôt emmenés au Mexique en tant qu’esclaves sont arrivés avec Pánfilo Narváezen en 1519. Au début des années 50, ils ont remplacé les travailleurs indigènes qui avaient été décimés par les maladies importées par les Européens. Entre la moitié du 16ème siècle et la moitié du 17ème siècle, le nombre d’Africains dépassait des fois celui des indigènes Pendant une très courte période, plus d’Africains furent importés au Mexique dans tout autre endroit des Amériques.

Comme ailleurs en Amérique Latine, les esclaves ont résisté à l’oppression. On dit de ces marrons ou cimarrones qu’ils s’échappèrent et se sont établis dans des villes telles que Coyula, Cuaxinecuilapan et Orizaba.

L’un des plus célèbres d’entre eux était Gaspar Yanga. Il avait la réputation d’être descendant d’une famille royale de la nation Africaine du Gabon, et il fut emmené au Mexique en tant qu’esclave. Il mena un soulèvement et s’échappa d’une plantation de sucre à Veracruz en 1570.

Les immenses sommets de montagne derrière les plaines de Veracruz devinrent le siège des marrons noirs et indigènes pendant cette période de temps. Installé à Cofre de Perote dans les montagnes près de Orizaba, l’établissement du marron Yanga ou palenque, appelé San Lorenzo de los negros comptait 60 habitations où 80 hommes et plus de 24 femmes Africaines et indigènes, ainsi que plusieurs enfants vécurent. Ce lieu d’établissement fut renommé Yanga en 1932.

Les Yanguicos survécurent en braquant des provisions des caravanes des Espagnols de passage. Ils élevèrent également du bétail. Ils pratiquaient une forme d’autogouvernement basé sur différents modèles issus de l’Afrique Centrale. Il était hiérarchisé et orienté vers les besoins d’auto-défense et de rétorsion.

La colonie de Yanga avait atteint une population d’environ 500 personnes et les Yanguicos ont continué à échapper à la capture jusqu’à ce que les Espagnols décident de négocier en 1608. L’intention de la Couronne Espagnole était d’écraser Yanga et ses disciples. Avant que cela n’arrive, Yanga et les colons Espagnols signèrent en Septembre de la même année un traité, unique à l’époque. Il n y eut pas de reddition.

Les points du traité étaient les suivants :

1) Tous les Yanguicos qui s’étaient enfuis avant Septembre 1608 furent libérés et ceux qui s’étaient enfuis après furent retournés à leurs maîtres.

2) Une charte allait établir le palenque ville libre ayant pour gouverneur Yanga.

3) Seuls les Pères Franciscains devaient assurer leur ministère.

4) Les Yanguicos retourneraient les esclaves fugitives et aideraient les Espagnols en cas d’attaque extérieure.

5) Les Espagnols ne pouvaient rendre visite que les jours de marché.

6) Les Yanguicos reçurent des terres cultivables.

En plus, Yanga stipula qu’il serait le gouverneur et que la ligne de succession toucherait ses descendants. Les Espagnols cédèrent aux demandes des Yanguicos et la communauté marronne fut officiellement établi à Mount Totutla en 1630.

Le mouvement marron de Yanga est un évènement notable de l’histoire des afrodescendants Mexicains. Il s’agit là du seul exemple reconnu ayant connu un succès total d’une tentative par les esclaves d’assurer leur liberté en grand nombre par la révolte et la négociation et ayant été sanctionné et garanti par la loi.

Alva Moore Stevenson est une historienne orale du Centre de Recherche de l’Histoire Orale de l’UCLA qui produit de la documentation sur l’histoire Africaine Américaine à Los Angeles. Sa propre recherche académique est centrée sur l’histoire et la culture des Afromexicains.

Alva Moore Stevenson : Discover your roots

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