
Le Tchad compte aujourd’hui plus de 21 millions d’habitants, dont une majorité écrasante de jeunes. Cette dynamique démographique pourrait être une chance historique pour le pays. Avec une ouverture politique inclusive fondée sur la justice, l’égalité et un investissement sérieux dans l’éducation et l’emploi, cette jeunesse pourrait devenir le moteur d’un renouveau national. Mais cette opportunité est étouffée par une junte militaire corrompue, incapable de répondre aux aspirations légitimes de la population.
Le pays rate ainsi l’occasion de transformer sa structure démographique en avantage compétitif. Au lieu de cela, il s’enfonce dans une pauvreté chronique, où les jeunes, privés d’opportunités, se tournent vers une économie informelle, précaire et non réglementée. L’émigration vers l’étranger, notamment vers l’Occident, s’intensifie, privant le pays de ses forces vives.
Face à cette impasse, le mouvement H23 est né. Il incarne une jeunesse consciente, mobilisée contre la corruption et en quête de justice, d’équité et de développement. Cette génération exige des refondations profondes dans les domaines de la justice, de la santé, de l’éducation, du logement et des infrastructures — autant de secteurs que la junte peine à structurer.
Si le pouvoir continue de minimiser ces revendications, la frustration grandissante pourrait nourrir des mouvements de protestation, voire des révoltes pacifiques ou armées. L’incapacité à répondre aux besoins essentiels mine la confiance dans les institutions et ouvre la voie à des alternatives non démocratiques, voire à l’ingérence extérieure.
Pour éviter que le Tchad ne sombre dans une fragmentation sociale, une instabilité chronique et une marginalisation régionale, le chef de la junte Mahamat Kaka doit impérativement prendre au sérieux les revendications de la jeunesse. Cela commence par des actes concrets : équilibrer les pouvoirs à la présidence, arrêter les corrompus, exiger la restitution des biens mal acquis et réinvestir ces ressources dans le développement du pays.
Construire un réseau de caniveaux modernes, créer des emplois pour les jeunes, renforcer la justice, la santé, l’éducation, et réformer l’armée ne sont pas des luxes — ce sont des urgences. Le Tchad n’a plus le temps d’attendre. Il est temps de choisir entre le déclin et le sursaut.
Dr. Ahmat Yacoub Dabio
Président du Centre d’Etudes pour le Développement et la Prévention de l’Extrémisme (CEDPE) et de Liberté Sans Frontière (LSF)
Membre de l’association internationale des sociologues Francophones (AISF)
Observateur des dynamiques politiques et sociales du pays. Militant pour une gouvernance inclusive, la justice sociale et la valorisation du potentiel de la jeunesse africaine