
À cinq mois d’élections générales contestées, Tundu Lissu, principal opposant tanzanien, comparaît pour trahison. Son procès, suivi de près à l’échelle régionale, cristallise les inquiétudes autour d’un processus électoral verrouillé et d’une dérive autoritaire à Dar es Salaam.
La scène est tendue, presque surréaliste, à Dar es Salaam. Tundu Lissu, figure emblématique de l’opposition tanzanienne, a comparu ce lundi 19 mai devant un tribunal pour répondre d’accusations de trahison. Une charge grave, passible de la peine de mort dans le pays. Pourtant, l’ancien candidat à la présidentielle n’a rien perdu de sa combativité : arborant un t-shirt portant l’inscription « Pas de réformes, pas d’élections », il a lancé à ses partisans : « Ne vous inquiétez pas. Nous parviendrons à nos fins. »
Une arrestation au cœur de la tourmente politique
Lissu a été interpellé le 9 avril après un rassemblement politique au cours duquel il a dénoncé un système électoral « verrouillé ». Accusé d’« incitations à bloquer les élections », il a depuis entamé une grève de la faim pour protester contre sa comparution par visioconférence. Son refus de comparaître virtuellement et sa volonté de faire face physiquement à la justice illustrent une détermination à défier un régime qu’il juge autoritaire.
Le contexte est sensible. À cinq mois des élections générales d’octobre, le parti au pouvoir, le CCM, au pouvoir sans interruption depuis 1961, est accusé de verrouiller le jeu électoral. Le parti de Lissu, Chadema, a d’ailleurs été exclu du prochain scrutin pour avoir refusé de signer un « code de conduite » jugé biaisé.
Répression et expulsions d’observateurs étrangers
La comparution de Tundu Lissu n’a pas seulement attiré les regards à l’intérieur des frontières. Le procès a pris une dimension régionale avec l’arrivée de figures politiques et juridiques kényanes, venues en soutien. Mais la réaction des autorités a été immédiate : arrestation de l’ancien président de la Cour suprême du Kenya, Willy Mutunga, et expulsion de la politicienne Martha Karua, connue pour son engagement démocratique.
Ces actions ont provoqué une onde de choc au Kenya voisin. Le secrétaire kenyan aux Affaires étrangères a exigé la libération des observateurs arrêtés, dénonçant une dérive autoritaire à Dar es Salaam. Karua, de retour à Nairobi, a accusé la présidence tanzanienne de manipuler la loi pour neutraliser l’opposition et s’assurer une victoire sans réelle concurrence.