Cameroun : Maurice Kamto bloqué à Douala avant la présidentielle 2025


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Maurice Kamto
Maurice Kamto

L’opposant camerounais Maurice Kamto, candidat déclaré à la présidentielle de 2025, a vu sa tentative de rassemblement avec ses partisans à Douala, entravée par un important dispositif sécuritaire.

L’ambiance était électrique dimanche dans la capitale économique du Cameroun. Au quartier Deido, haut lieu de l’implantation du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), les couleurs du parti claquaient au vent et les chants à la gloire de son leader, Maurice Kamto, résonnaient dès les premières heures de la matinée. Mais celui que la foule était venue acclamer ne s’est jamais montré. Et pour cause : l’ancien ministre, figure majeure de l’opposition camerounaise, était bloqué chez lui, à Bonapriso, sa résidence encerclée par des forces de sécurité lourdement armées.

Un dispositif sécuritaire exceptionnel

Le retour de Maurice Kamto au Cameroun, après un séjour en France où il avait animé un meeting à Paris, s’annonçait comme un moment fort de remobilisation pour ses troupes à l’approche de la Présidentielle de 2025, à laquelle il est candidat déclaré. Dès samedi soir, son arrivée à Douala avait été discrète mais repérée. Le dimanche matin, ses partisans, informés via les canaux internes du parti, s’étaient massivement dirigés vers le siège local du MRC pour un échange avec leur leader. Mais la réponse des autorités a été rapide et sans équivoque.

Un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé autour du siège du parti à Deido. Des gendarmes, policiers antiémeute et agents en civil ont pris position aux points stratégiques, bloquant tous les axes d’accès. L’axe Entrée Bepanda – École publique, principal chemin menant au siège du MRC, a été totalement fermé à la circulation, piétons et véhicules inclus. L’interdiction des moto-taxis, décrétée par le préfet du Wouri, a été rigoureusement appliquée. En parallèle, un cordon de sécurité a été installé autour du domicile de Maurice Kamto, empêchant toute sortie.

Un message vidéo depuis sa résidence

Alors que la foule, dense et pacifique, continuait d’affluer à Deido, Maurice Kamto a publié à 16 h une courte déclaration vidéo sur ses réseaux sociaux. Assis, le visage grave, il a affirmé être « séquestré » dans sa résidence, accusant les autorités d’avoir arbitrairement empêché son déplacement. Il a alors adressé une invite à ses militants : « Je ne voudrais pas qu’une telle rencontre, si elle était encore possible aujourd’hui, ait lieu la nuit. C’est pourquoi je vous demande de rentrer chez vous dans le calme et la dignité ». Le président du MRC a alors renvoyé la rencontre à demain au siège du parti à 10 h, appelant ses militants à rentrer dans le calme et à rester confiants et dignes. Un appel largement suivi sur le terrain, même si la tension était restée palpable dans plusieurs quartiers de Douala en fin de journée.

Une répétition des pratiques d’intimidation ?

Ce scénario n’est pas sans rappeler les événements post-électoraux de 2018, lorsque Maurice Kamto, après avoir contesté la réélection de Paul Biya, avait été arrêté puis détenu pendant neuf mois. Depuis sa libération, ses déplacements et prises de parole sont régulièrement restreints, ses meetings souvent interdits ou lourdement encadrés.

Le meeting manqué de Kamto à Deido, ce dimanche, illustre une fois encore la politique de verrouillage systématique de l’espace public par le pouvoir en place. Si les autorités n’ont pas communiqué officiellement sur les raisons de ce blocage, plusieurs sources proches de l’administration évoquent « des risques de troubles à l’ordre public » pour justifier ce déploiement sécuritaire exceptionnel.

Une épreuve de force qui s’installe

Cette journée marque une nouvelle étape dans la confrontation politique entre le MRC et le pouvoir de Yaoundé. D’un côté, une opposition qui tente de mobiliser sa base, dans un contexte électoral encore flou ; de l’autre, un régime qui redoute les mouvements de foule et les contestations visibles dans l’espace public. Les événements de Douala illustrent une volonté assumée des autorités de contenir à tout prix l’élan populaire autour de Maurice Kamto.

Pour de nombreux observateurs, cette stratégie pourraient s’avérer contre-productive. « Plus on interdit les rassemblements de l’opposition, plus on crédibilise son discours de persécution et d’illégitimité du pouvoir », analyse un politologue camerounais sous anonymat. « Maurice Kamto apparaît comme un homme empêché, et cette image renforce son aura de résistance », poursuit-il.

Vers une campagne présidentielle à haut risque

À quelques mois de l’échéance électorale prévue dans le dernier trimestre de l’année en cours, le climat politique au Cameroun semble de plus en plus tendu. Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, n’a pas encore annoncé s’il briguerait un nouveau mandat, mais les manœuvres en coulisses laissent peu de place au doute. Pendant ce temps, l’opposition peine à se structurer autour d’un projet commun, et les obstacles administratifs et policiers se multiplient.

Pour Maurice Kamto, cette tentative de retour sur le terrain sonne comme un avertissement. L’État veille, et les marges de manœuvre sont étroites. Mais le soutien populaire observé ce dimanche, malgré les intimidations, prouve que le MRC reste une force politique qui compte, notamment dans les grandes agglomérations comme Douala ou Yaoundé.

La journée s’est achevée sans incident majeur, mais la ville reste sous surveillance, et de nouvelles mobilisations ne sont pas à exclure. La présidentielle approche, et avec elle, un duel à haut risque entre une gérontocratie qui s’accroche et une opposition en quête d’espace démocratique.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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