Sous le soleil d’Hijaz


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Le jazz oriental est très en vogue en ce moment. Un nouveau groupe basé en Belgique, Hijaz, qui réunit un oudiste tunisien, Moufadhel Adhoum, un percussionniste marocain, Azzedine Jazouli, un pianiste belgo-grec, Niko Deman, et divers autres musiciens belges, nous a particulièrement séduits avec leur deuxième album, Chemsi (Zephyrus Music, 2011).

Le premier opus du groupe Hijaz, Dunes, sorti en 2008, avait été vivement remarqué par la critique belge, qui parlait alors d’un “petit chef d’oeuvre prometteur”. Cet album Chemsi (“Mon soleil” en arabe) confirme Hijaz comme un excellent groupe de jazz, qui a su créer un univers sonore qui ne ressemble qu’à lui seul, mêlant poétiquement influences d’Orient, de Grèce, des Balkans, et d’Inde.

Ce qui donne toute sa saveur à Hijaz est la place centrale prise par le piano, que l’on a rarement l’occasion d’entendre dans la plupart de formations de musiques métissées. Et le piano de Niko Deman, tout en subtilités, et que l’on entend souvent en solo, vient donner ici une profondeur et un écho aux riches compositions du ‘oudiste tunisien Moufadhel Adhoum, et aux libres improvisations – car l’album repose, comme tout album de jazz, sur beaucoup d’improvisations – des formidables autres musiciens du groupe: le percussionniste marocain Azzedine Jazouli, les Belges Vincent Noiret (contrebasse), Chryster Aerts (batterie) et Tcha Limberger (qui appartient à une illustre famille de musiciens manouches, au violon), l’Arménien Vardan Hovanissian au doudouk, et le Tunisien Houssem Bel Kadhi à la flûte nay.

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Toutes les compositions de l’album sont signées de Moufadhel Adhoum, né en 1965 dans la médina de Tunis et qui vit désormais en Belgique, à l’exception de deux signées par Niko Deman, artiste belge né d’une mère grecque et qui a d’abord commencé par jouer du bouzouki (tous deux enseignent aujourd’hui la musique dans divers instituts en Belgique).

Le premier titre, “Hems” (“Chuchotement” en arabe) s’ouvre par quelques notes évanescentes de piano sur lesquelles se posent quelques voix chuchotées, donnant ainsi le ton, intimiste et intérieur, de l’album. “Leaving Adana” fait référence à l’exode et au massacre des familles grecques et arméniennes, qui étaient chrétiennes, de la ville d’Adana (aujourd’hui 4° ville turque, non loin de la frontière syrienne) dans les années 1900, quand se formait la Nouvelle Turquie: l’inquiétude et l’angoisse sont parfaitement rendues par la montée en puissance de la musique, le violon qui se fait de plus en plus aigü, comme une peur et une angoisse qui grandissent jusqu’à un point insoutenable – et la musique de s’arrêter net, comme une tête que l’on tranche.

Les compositions se succèdent, empruntant des noms arabes – “Hafla” (fête), “Ila sadiqui” (à mon ami), “Chemsi” – ou évoquant des lieux comme “Sidi Bou Saïd”… Au total un album qui nous a totalement séduits, et qui devrait propulser Hijaz sur les scènes européennes et internationales, après leurs nombreux concerts en Belgique ces dernières années.

Consulter le site de Hijaz

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