Soudan : Omar el-Béchir fait cavalier seul


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Omar el-Béchir a le champ libre. Le président soudanais a menacé d’expulsion les observateurs électoraux internationaux mandatés pour les élections générales qui doivent se tenir du 11 au 13 avril dans le pays. Par crainte pour sa sécurité, la mission européenne a annoncé cette semaine qu’elle pensait se retirer du Darfour, une région en proie à la guerre civile. Cette décision fait suite au boycott mardi des élections générales par les partis d’opposition qui accusent le chef de l’Etat de vouloir bourrer les urnes.

« Quiconque demande un report des élections ou intervient dans nos affaires ne restera pas plus de 24 heures dans le pays (…). Quiconque tente de nous insulter, nous lui couperons la langue », a lancé Omar el-Béchir lundi dans un discours public dans la Gézira, zone agricole au sud de Khartoum. Exception faite des membres de la Fondation Carter [[Référence au nom de l’ancien président américain, Jimmy Carter]]. Autrefois en disgrâce parce qu’ils avaient suggéré le report des élections, ils ont été autorisés mercredi, sur ordre du président soudanais, à « se rendre dans toutes les régions du Soudan afin d’observer le processus électoral ».

Pour les autres observateurs, il s’agit de la provocation de trop. Ces menaces d’expulsion ont considérablement refroidi les Européens mandatés pour les élections. « Si j’estime que les conditions de sécurité non seulement pour mes observateurs mais aussi pour les habitants du Darfour ne sont pas remplies. Si je n’ai pas l’assurance que ces élections permettent une observation crédible, je ne les observerai pas, en tout cas pas de manière classique », a expliqué à l’AFP Véronique de Keyser, chef de la mission d’observation de l’Union européenne (UE) au Soudan. La mission de l’UE est la plus importante avec ses 130 observateurs.

Le boycott comme signe de ralliement

Ces élections législatives, régionales et présidentielles, qui doivent se tenir du 11 au 13 avril, s’annonce sous de mauvais auspices. En plus de l’éventuel boycott de l’UE, des partis d’opposition soudanais ont accusé le président el-Béchir de vouloir bourrer les urnes pour s’assurer la victoire lors de ce scrutin. Pour dénoncer cette fraude, les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) ont décidé mardi de boycotter les élections dans treize Etats du Nord-Soudan et trois Etats du Darfour. « Le parti du congrès national (NCP, au pouvoir) continue de menacer les observateurs (du scrutin) et s’ils menacent les observateurs (étrangers), vous pouvez imaginer ce qui arrivera au peuple soudanais », a fustigé Yasser Arman, leader du SPLM et rival d’Omar el-Béchir, qui a annoncé la semaine dernière son retrait de la course à la présidentielle.

Pour autant, le SPLM ne s’avoue pas définitivement vaincu. La mouvance politique prévoit de présenter ses candidats dans le Sud et dans deux Etats du Nord pour les régionales et les législatives. Deux Etats que les Sudistes entendent bien disputer aux Nordistes pour des raisons de pétrole, deux régions aux contours encore flous sur les frontières Nord-Sud.

La décision du SPLM de boycotter le processus électoral dans l’ensemble du Nord-Soudan vient ajouter un discrédit aux législatives et aux régionales déjà marquées par le boycott des quatre principales composantes du Consensus national : le Parti Umma (nationaliste), le Parti Umma réforme et renouveau, le Parti communiste et le Parti unioniste démocrate (DUP). Ces formations politiques avaient mis en cause la partialité de la commission électorale et le parti d’Omar el-Béchir qui se préparait, selon eux, à truquer le scrutin. Selon International Crisis Group (ICG), le pouvoir soudanais se serait servi du prétexte de l’état d’urgence au Darfour, région en proie à une guerre civile, pour fausser les élections.

Lors du recensement de 2008, profitant de l’insécurité endémique et du manque de surveillance, le NCP aurait sciemment omis d’inscrire sur les listes électorales la plupart des 2,6 millions de déplacés par la guerre civile dans des camps ainsi que la population présente dans les zones contrôlées par les rebelles. Une bonne technique pour s’assurer une large victoire aux prochaines élections.

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