
Médecins Sans Frontières suspend ses opérations dans deux comtés du Soudan du Sud après une série d’enlèvements visant son personnel.
La situation humanitaire au Soudan du Sud vient de franchir un nouveau seuil critique. Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé la suspension de toutes ses activités dans les comtés de Yei River et Morobo, situés dans l’État d’Équatoria Central. Cette décision survient après l’enlèvement, heureusement de courte durée, d’un de ses employés. Un incident grave qui reflète l’insécurité grandissante dans la région, où les attaques contre les travailleurs humanitaires se multiplient.
Un enlèvement de trop pour MSF
Le 4 août, alors qu’un convoi de MSF procédait à l’évacuation de son personnel de Morobo vers Yei, des hommes armés ont intercepté les véhicules. Ils ont sommé le chef d’équipe de descendre avant de l’emmener de force dans la brousse. Il a été relâché quelques heures plus tard, mais l’onde de choc a été immédiate. Quatre jours auparavant, un agent du ministère de la Santé avait déjà été enlevé dans une ambulance de MSF sur la même route. Ces événements ont précipité une décision douloureuse, mais inévitable pour l’organisation.
L’incident s’ajoute à une série d’attaques ciblant les acteurs humanitaires dans la région. Depuis trois mois, au moins sept enlèvements de travailleurs humanitaires ont été recensés, et plusieurs centres de santé ont été incendiés, pillés ou gravement endommagés. Le Dr Ferdinand Atte, chef de mission de MSF au Soudan du Sud, dénonce une situation devenue intenable. « Nous sommes déterminés à soigner, mais nous ne pouvons pas exposer nos équipes à de tels risques », a-t-il déclaré.
Une population privée d’accès aux soins essentiels
Dans les zones reculées et instables de Yei River et Morobo, MSF était souvent la seule source de soins pour des milliers de personnes. L’organisation y assurait des consultations médicales de base, des vaccinations, un accompagnement des femmes enceintes et des accouchements, ainsi que des cliniques mobiles. Entre janvier et juin 2025, MSF y a mené plus de 14 000 consultations. Avec cette suspension, les habitants déjà confrontés à l’insécurité et à l’isolement se retrouvent privés d’une aide vitale.
Face à cette escalade des violences, MSF exige des garanties claires de la part des autorités sud-soudanaises et des groupes armés présents dans les comtés de Morobo et Yei. La reprise des activités ne pourra avoir lieu qu’à la condition d’un accès sûr et sans entrave aux populations, et d’une protection effective des civils, des soignants et des infrastructures médicales.
Une crise humanitaire aggravée par l’impunité
L’Équatoria central, comme de nombreuses régions du Soudan du Sud, est marqué par des tensions intercommunautaires, des conflits armés persistants et une gouvernance fragile. Dans ce contexte, les agressions contre les ONG restent souvent impunies, malgré les appels répétés à la protection du personnel humanitaire. La suspension des activités de MSF n’est pas un simple incident logistique : c’est un signal d’alarme sur le risque croissant d’un effondrement total de l’aide dans certaines zones du pays.