Sophia Nelson, artiste de jazz


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Sophia Nelson est née au Ghana, pays dont la musique emblématique, la highlife, a des parentés directes avec la calypso des Caraïbes et les rythmes cubains. Voilà sans doute pourquoi, devenue chanteuse de jazz, Sophia s’est trouvée une prédilection pour les rythmes cubains et latinos en général. Sur son deuxième album, Woman in love (Harmonie Production), l’artiste, qui a une pêche d’enfer, nous emmène dans une fête chaleureuse et colorée. Et on est pris d’une irrésistible envie danser, signe qui ne trompe pas !

Sophia Nelson, qui a commencé a chanter comme choriste ou chanteuse principale aux côtés d’artistes tels que Johnny Hallyday, Céline Dion, ou Richard Bona, vole de ses propres ailes depuis son premier album, Lotty, en 2002. Elle se produit aujourd’hui dans divers festivals et clubs, en Europe, en Afrique, et au Moyen-Orient. A Paris, elle se produisait récemment dans le célèbre club de jazz Lionel Hampton, à Paris, et nous l’avons rencontrée à cette occasion.

Afrik.com : Vous êtes née à Accra et vous y avez grandi, et c’est à Paris que vous êtes devenue musicienne: racontez-nous…

Sophia Nelson : Au Ghana, je chantais déjà dans la chorale de mon école, et j’adorais chanter. Mais dans la mentalité africaine, la musique n’est pas considérée comme une carrière sérieuse: c’est considéré comme un loisir. Mon père m’a envoyée en Europe poursuivre mes études, et j’ai atterri à l’Université catholique de l’Ouest, à Angers (ouest de la France, ndlr). J’ai mené des études de biologie, et suis devenue laborantine. Mais très vite, j’ai voulu me consacrer à la musique, et j’ai pris des cours de solfège et de chant, puis je me suis inscrite au CIM, le Centre de formation de jazz, à Paris. Et j’ai commencé à chanter comme choriste, accompagnant des musiciens.

Afrik.com : Quelles musiques écoutiez-vous au Ghana, avant d’arriver en France ?

Sophia Nelson : Mes parents écoutaient beaucoup de jazz: Ella Fitzgerald, Louis Armstrong, et aussi des artistes comme Harry Belafonte. Et bien sûr nous écoutions beaucoup de highlife. En 1979, il y a eu un festival extraordinaire à Accra: le festival « Soul to Soul ». Les plus grandes stars sont venues se produire, dans le stade d’Accra: Tina Turner, Carlos Santana… Mes sœurs y allaient, je les ai accompagnées. Et à Accra, il y avait quelques clubs de jazz, où nous allions parfois. Donc j’ai eu les oreilles ouvertes à beaucoup de styles différents.

Afrik.com : Qu’est-ce que le fait de chanter a apporté à votre vie ?

Sophia Nelson : C’est un moyen de vous exprimer. Il y a quelque chose à propos du chant, vous devez aller très profond en vous, quand vous composez, vous devez bien vous connaître. C’est un travail en profondeur, ça demande beaucoup de recherches. Il faut choisir les mots, les mélodies. On ne peut pas tricher.

Afrik.com : Vous chantez en anglais, mais dans quelle langue écrivez-vous ?

Sophia Nelson : Je pense en fanti (l’une des langues du Ghana, ndlr) je ne peux pas m’en empêcher. Je ne peux pas penser en français. Le fanti est ma langue maternelle, celle de mon enfance, celle des chansons de highlife. Et mes chansons sont un mélange de tous mes voyages musicaux: le jazz, la highlife, la musique latino-américaine, et particulièrement la musique cubaine… Je suis allée à Cuba, j’ai travaillé là-bas, j’aime énormément ce pays et sa musique.

Afrik.com : Vous donnez des concerts dans divers pays, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient: quelle perception avez-vous du public français ?

Sophia Nelson : Le public français est très intellectuel. Quand je chante du jazz, je peux sentir la concentration du public. Ils vous écoutent, ils vous écoutent attentivement. Alors que dans d’autres pays, ils vont se lever et se mettre à danser. Quand nous sommes sur scène, avec mon groupe (une dizaine de musiciens, ndlr), nous aimons ce que nous faisons, nous prenons beaucoup de plaisir, et nous essayons toujours d’établir une complicité avec le public. Dans certains pays, les gens sont plus réservés, dans d’autres, ils sont plus expansifs…

Afrik.com : Vous vivez à Paris: pourquoi avoir choisi cette ville ?

Sophia Nelson : Paris est un endroit intéressant pour les artistes. La plupart de mes amis sont d’autres artistes, et dans mon groupe, les musiciens viennent de Cuba, de Tunisie, de Guadeloupe, des Etats-Unis, du Cameroun… A Paris, on rencontre beaucoup de monde, il y a beaucoup de théâtres, de cinémas, de restaurants, et on peut aller n’importe où à n’importe quelle heure. On ne s’ennuie jamais !

Afrik.com : Si vous deviez partir sur une île déserte avec 5 disques, ce serait lesquels ?

Sophia Nelson : Celia Cruz (artiste cubaine décédée à 75 ans, ndlr), parce que j’adore cette artiste. Je l’avais rencontrée, c’est une femme extraordinaire ! Ella Fitzgerald. Incognito (groupe anglais, ndlr). Un album de highlife, bien sûr: d’E.T.Mensah. Et un disque de gospel.

Afrik.com : Quels sont les artistes africains que vous admirez ?

Sophia Nelson : Oumou Sangaré: je l’ai rencontrée aussi, quelle voix ! Paco Séry – j’ai travaillé avec lui. Youssou N’Dour. Alpha Blondy. Et E.T. Mensah, bien sûr !

Une artiste engagée

Sophia Nelson est plus qu’une artiste de jazz: c’est aussi une chanteuse engagée – et c’est elle qui écrit le plus souvent les paroles de ses chansons. Exemple, tiré de sa chanson, « Price to pay », qui ouvre l’album « Woman in love » :

« Des enfants pauvres meurent pendant que leurs mères courent chercher du travail
Leurs pères pleurent parce qu’ils n’ont pas de moyens de subsistance
Alors vous, les politiciens, avec vos décisions insensées
Cessez de jouer avec nos vies et de faire ce que vous voulez
Tout est devenu hors de contrôle
Nous avons besoin de vivre en paix pour sauver nos âmes
Chaque jour nous nous réveillons sur un nouveau cauchemar
Nous demandant quand cette haine disparaîtra
Hé tout le monde, il faut cesser ce débat
Nous avons besoin de vivre dans l’amour et non dans la haine »

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