
Il y a quelques jours, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko était également en visite de travail à Ouagadougou. Accueilli par le capitaine Ibrahim Traoré, chef du régiment, et entouré de journalistes lors d’une cérémonie posée, il a parlé de panafricanisme, de coopération Sud-Sud et de la fraternité des peuples. Mais dans cette présentation fluide, une absence pesait lourdement : celle de Guy Hervé Kam. Avocat, activiste, compagnon de route et maintenant, détenu anonyme.
Une gêne derrière les accolades
Beaucoup attendaient quelque chose. Une allusion, un geste, même un mot. Mais rien. Une indifférence au sort de Guy Hervé Kam, arrêté en juillet 2024 et détenu dans des circonstances opaques depuis lors. L’ironie est exaspérante : l’homme est l’avocat personnel de Sonko. Celui qui l’a protégé quand la justice sénégalaise a tenté de le détruire. Et aujourd’hui ? Pas un mot. Un silence glacé.
Kam est anti-dérangeant parce qu’il est libre
Au Burkina Faso, Guy Hervé Kam n’est pas un inconnu. Il est l’un des dirigeants de l’insurrection de 2014, un pilier de la société civile, une voix qui ne tremble jamais. Il est le visage de la génération qui a rejeté le désespoir. Et c’est exactement ce qui pose problème : sa liberté d’expression, son refus de se plier, son regard franc.
Il n’y a pas de procès, et aucune accusation véritable. Tout n’est qu’un prétexte : une « menace pour la sécurité nationale ». Une expression fourre-tout pour faire taire les perturbateurs. Le problème est purement politique. Et ce qui est véritablement surprenant, au fond, c’est le verrou du silence qui a été placée, diplomatiquement.
Une diplomatie de l’hypocrisie
Alors pourquoi Sonko, autoproclamé champion des libertés lorsqu’il etait dans l’opposition, ne parle-t-il pas pour son propre avocat ? Pourquoi ce silence embarrassant, comme si certains sujets avaient été placés hors limites ? La realpolitik, sans aucun doute. Mais en s’efforçant d’être si attentif aux sensibilités, parfois on trahit sa propre armée.
Et ce silence devient pesant avec le passage des jours. Il y a les discours qui disent ce que les discours ne disent jamais : qu’il est plus facile de ne pas savoir que d’être confronté à des vérités inconfortables.
Kam ne demande pas de pitié, juste de se souvenir de lui
Demandez à ceux qui connaissent Guy Hervé Kam, il ne cherche ni pose ni pitié. Mais il doit être mentionné. Il mérite que son combat ne soit pas liquidé au nom de l’opportunité ou de la prudence. Justifier Kam n’est pas interférer dans les affaires burkinabè. C’est un rappel du fait que les principes sont universels et non négociables, même entre « frères de lutte ».
En résumé : ce que nous dit ce silence
Alors que Kam continue de languir derrière les barreaux sans fondements convaincants, une part de l’aspiration démocratique burkinabè est également détenu avec lui. Et tant que ceux qui lui doivent leur voix sont liés par le silence, leurs mots seront sans valeur.
La vérité, quant à elle, n’a pas besoin de passeport diplomatique. Elle se présentera. Mais le courage attend d’être exprimé.