Sommet France-Afrique : Paris boude-t-il ses alliés francophones ?


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Le 25e sommet France-Afrique s’est ouvert ce lundi à Nice sur la Côte d’Azur française, co-présidé par le président français Nicolas Sarkozy et son homologue égyptien Hosni Moubarak. Trente huit dirigeants participent à ce sommet dit de la « normalisation » où il est notamment question de la nouvelle orientation de la politique française en Afrique. La rencontre à laquelle sont conviés les hommes d’affaires de France et d’Afrique donne la part belle au business. Nicolas Sarkozy a choisi de réserver prioritairement ses apartés aux dirigeants du Nigeria et d’Afrique du Sud, deux géants économiques du continent africain.

Au 25e sommet France-Afrique qui se tient ce lundi et demain mardi à Nice en France, les chefs d’Etats des anciennes colonies françaises d’Afrique semblent avoir perdu la prééminence dont ils bénéficiaient d’habitude, lors de cette grand-messe organisée par l’ancienne métropole coloniale. Paul Biya du Cameroun, Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, ou encore Ali Bongo du Gabon ne sont pas cités pour bénéficier des audiences privées qu’accordera l’hôte, Nicolas Sarkozy, au cours des deux jours du sommet. Le président français a décidé d’accorder ce privilège aux dirigeants de pays anglophones, par ailleurs géants économiques du continent africain.

Absences et présences remarquées

Le sommet devait initialement se tenir à Charm el-Cheikh en Egypte. Mais il a été déplacé à Nice, pour empêcher le président égyptien Hosni Moubarak d’inviter Omar el Béchir du Soudan, visé par un mandat d’arrêt international. Persona non grata comme Omar el-Béchir, le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, n’a pas été invité non plus. Tout comme Andry Rajoelina le président de la Haute Autorité de Transition à Madagascar, sanctionné par la communauté internationale à cause de son refus d’appliquer les accords de partage de pouvoir dans son pays.

Trois chefs d’Etat ont décliné l’invitation à participer au sommet de Nice. Laurent Gbagbo, le président ivoirien a expliqué dimanche sur RFI qu’il ne se rendrait pas en France avant que Paris et Abidjan n’aient discuté de leur « différend fondamental ». Une allusion au putsch manqué de 2002 contre son régime, auquel il accuse les autorités françaises de l’époque d’avoir participé. Il s’est fait représenter par Laurent Dona Fologo, président du Conseil économique et social de Côte d’Ivoire. Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a également choisi de se faire représenter par son ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba. Comme ces deux présidents, le Libyen Mouammar Kadhafi n’a pas fait le déplacement de la France. Depuis 1973, il ne participe à aucun sommet Afrique France.

Abdelaziz Bouteflika et le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz sont les seuls chefs d’Etats arabes d’Afrique à être présents à ce 25e sommet France-Afrique. La présence du Rwandais Paul Kagamé a également été remarquée, comme scellant la réconciliation entre Paris et Kigali.
D’autres présences remarquées sont celles du Guinéen Sékouba Konaté et du Nigérien Salou Djibo. Arrivés au pouvoir par des coups d’Etats militaires, les deux hommes se sont engagés à rendre le pouvoir aux civils. « Nous assumons le fait de parler à des régimes qui ne sont pas des démocraties parfaites, car notre diplomatie a vocation à être universelle. C’est une diplomatie d’influence positive : nous voulons parler avec tout le monde pour les faire venir vers nos valeurs. Plus on parle avec ces pays, plus on a de possibilités d’y faire progresser ces valeurs », a expliqué Alain Joyandet.

Le programme du sommet mentionne en effet seulement deux rencontres prioritaires, un déjeuner ce lundi avec le Sud-Africain Jacob Zuma dont le pays fait figure de locomotive économique d’Afrique, et un tête-à-tête demain avec le Nigérian Goodluck dont le pays, le plus peuplé d’Afrique, dispute par ailleurs à l’Angola la place de premier exportateur de pétrole africain. Mieux, le « dîner des amis », qui, la veille de l’ouverture du sommet, réunissait les dirigeants des anciennes colonies françaises d’Afrique a été supprimé. Un troisième aparté est cependant envisagé, entre l’algérien Abdelaziz Bouteflika dont le pays est l’un des principaux partenaires économiques français d’Afrique et Nicolas Sarkozy. Les deux présidents pourraient à cette occasion entamer le dégel des relations entre Paris et Alger, tendues ces dernières années.

Un sommet axé sur les échanges économiques

La primauté ainsi donnée aux pays africains à fort potentiel d’affaires traduit l’une des principales orientations du de ce sommet dit de la « normalisation » : le développement des affaires. Bien que l’agenda de la rencontre mentionne en effet trois huis clos entre chefs d’Etats portant sur la « place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale », le « renforcement de la paix et de la sécurité », les questions de « climat et développement », à travers lesquels Paris souhaite établir une « position commune » avec les pays africains avant la conférence sur le climat prévu à l’automne à Cancún (Mexique), il sera en effet beaucoup question des échanges commerciaux à Nice.

La France souhaite en effet développer une nouvelle approche de ses relations avec l’Afrique, sur le modèle du « Trade, not aid », cher aux pays anglo-saxon qui privilégie le soutien aux secteurs privés à fort potentiel de croissance. « Notre politique de coopération a été réorientée pour mettre désormais l’accent sur le soutien au développement et à la croissance du secteur privé, ce qui est une manière différente de lutter contre la pauvreté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons convié, pour la première fois, au sommet France-Afrique de Nice, des entreprises privées », a expliqué le secrétaire d’Etat français à la Coopération Alain Joyandet, dans une interview accordée ce lundi au Nouvelobs. En marge des travaux et débats officiels, un sommet parallèle regroupe en effet chefs d’entreprises africains et français. Y participent soixante-cinq grandes entreprises française et 130 patrons africains. Réuni au sein du Mouvement des entreprises de France (Medef), le patronat français devra présenter une «charte des entreprises françaises en Afrique» et annoncer la création d’un consortium spécialisé dans l’énergie solaire.

Les dirigeants de l’ancien pré-carré partiellement lésés pourront toutefois se consoler, en honorant l’invitation du sommet « familial » des 13 et 14 juillet dans la capitale française, lors de la fête nationale de l’ancienne métropole, avec défilé des troupes sur les Champs-Elysées à Paris.

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