Somalie : Mogadiscio renoue avec les urnes après 60 ans de silence


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Vote (illustration)
Vote (illustration)

Pour la première fois depuis près de soixante ans, les habitants de Mogadiscio ont voté au suffrage direct lors d’élections locales organisées ce jeudi. Ce scrutin inédit, tenu sous haute sécurité, marque une étape symbolique dans la reconstruction institutionnelle de la Somalie. Il intervient dans un pays longtemps miné par la violence, les divisions claniques et l’instabilité politique. Toutefois, le boycott de l’opposition et les critiques sur l’inclusivité du processus rappellent que le retour aux urnes ne dissipe pas toutes les fragilités du paysage politique somalien.

C’est un événement historique que vient de vivre la capitale somalienne. Pour la première fois depuis près de six décennies, les habitants du grand Mogadiscio se sont rendus aux urnes ce jeudi pour des élections locales au suffrage direct. Dans une ville où le bruit des explosions couvre trop souvent celui du débat démocratique, le scrutin s’est déroulé dans un calme inhabituel, marquant une étape symbolique, bien que contestée, dans la reconstruction institutionnelle du pays.

Une capitale sous haute protection sécuritaire

Afin de garantir le bon déroulement de ce vote inédit, le gouvernement n’a laissé aucune place au hasard. Un dispositif impressionnant de plus de 10 000 membres des forces de sécurité a été déployé dans les artères de la capitale pour prévenir toute incursion des islamistes shebab, qui mènent une guérilla sanglante contre l’État fédéral depuis 2006.

L’aéroport a été fermé par précaution et les mouvements ont été strictement contrôlés. Ce pari sécuritaire semble avoir porté ses fruits puisque la Commission électorale a confirmé la fermeture de tous les bureaux de vote à 18h00 sans qu’aucun incident majeur ne soit à déplorer.

L’émotion des électeurs face au bulletin de vote

Pour de nombreux Somaliens, l’exercice du droit de vote selon le principe « un homme, une voix » relevait jusqu’ici du récit historique ou du rêve lointain. Depuis l’abolition du suffrage direct en 1969 sous la dictature de Siad Barre, la vie politique nationale était régie par un système complexe de quotas claniques.

Ce jeudi, des citoyens comme Ali Salad, 51 ans, ont bravé les longues files d’attente pour la première fois de leur vie. L’excitation était palpable le matin dans les centres de vote, les électeurs affichant fièrement leur auriculaire taché d’encre indélébile comme trophée de leur participation à ce qu’ils considèrent être le futur de la nation.

Un test politique majeur avant la présidentielle de 2026

Le président Hassan Sheikh Mohamud, qui a voté au Théâtre national, a salué une avancée vers la « bonne direction ». Toutefois, ce scrutin local est avant tout perçu comme un laboratoire pour la présidentielle prévue en 2026. Le passage au suffrage universel direct est l’un des piliers du mandat présidentiel, mais il cristallise également les tensions.

Près de 400 000 électeurs étaient inscrits pour départager 1 600 candidats, un échantillon représentatif mais encore réduit par rapport aux deux millions d’habitants de la région, signe que le chemin vers une inclusion totale reste long.

Si le gouvernement célèbre une victoire de la démocratie, le tableau est loin d’être unanime. Les principaux partis d’opposition ont boycotté l’élection, dénonçant un processus « orchestré » et non inclusif. Selon l’ancien Premier ministre Hassan Ali Kheire, ce vote ne serait qu’une manœuvre politique visant à justifier une éventuelle prolongation du mandat présidentiel.

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Fidèle K est journaliste et rédactrice spécialisée, passionné par l'Afrique et ses dynamiques politiques, culturelles et sociales. A travers ses articles pour Afrik, elle met en lumière les enjeux et les réalités du continent avec précision et engagement.
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