Sierra Leone : les défis de la reconstruction


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« La guerre est terminée, allez profiter de la vie, » déclare en janvier 2002 l’ancien président de la Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah, lors d’une cérémonie symbolique de destruction par le feu d’armes et de munitions, à Lungi dans l’Est du pays. La cérémonie marque la fin de la guerre civile. Alors qu’une épaisse fumée s’élève du bûcher d’armes, il ajoute : « le couvre-feu est à présent levé. » Des milliers de Sierra-léonais débordants de joie envahissent alors les rues pour célébrer la fin officielle d’une décennie de guerre qui a causé la mort de 150 000 personnes et détruit la plus grande partie des infrastructures du pays.

Une massive opération de maintien de la paix des Nations Unies comptant un contingent de 17 000 hommes (à l’époque, le plus important du monde) avait auparavant désarmé 45 000 combattants, dont 6774 enfants soldats. En 2006, les troupes de l’ONU entame leur retrait du pays. Beaucoup doutent de la capacité des institutions locales à mener la reconstruction. Doute partagés par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui en fait part à la Commission de consolidation de la paix nouvellement créée. En décembre 2006, cette commission approuve un budget de 35 millions de dollars destinés à la Sierra Leone. Objectifs : financer des programmes de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, mais aussi soutenir les secteurs de la justice, de la sécurité, et de l’emploi des jeunes notamment.

La Sierra Leone a été l’un des premiers bénéficiaires de l’action de cette commission. Établie par le Conseil de sécurité en décembre 2005, la Commission de consolidation de la paix a pour mandat de collaborer avec les bailleurs de fonds internationaux, les institutions financières, les gouvernements et les pays fournissant des contingents pour aider à « mobiliser des ressources » et à mettre au point des « stratégies intégrées en matière de consolidation de la paix et de relèvement au lendemain de conflits. » La commission, qui a aussi la tâche de signaler toute « lacune qui menace la paix ». Elle finance environ 100 projets dans 15 pays différents.

Les pays qui sortent d’un conflit ont besoin de voir la paix se consolider, soutient Michael von der Schulenburg, le Représentant du Secrétaire général de l’ONU en Sierra Leone qui dirige le programme de consolidation de la paix. « La consolidation de la paix c’est l’accès à l’eau, à l’éducation, à des soins de santé primaires – à des perspectives d’avenir, » explique M. Von der Schulenburg dans un entretien avec Afrique Renouveau.

Pour von der Schulenburg, la Sierra Leone a bénéficié d’un programme de consolidation de la paix exemplaire. Un des succès clés a été la sécurité. « Nous n’avons pas de groupes armés, explique-t-il. Ils ont tous été intégrés. Et les combattants ne sont pas devenus des criminels comme cela se produit souvent. » L’ONU a réussi à mettre en œuvre un programme communautaire de collecte des armes légères afin de récupérer celles qui n’avaient pas été remises lors du désarmement. Les autres succès qu’il souligne sont l’existence d’une presse libre et dynamique et l’enracinement de la démocratie – que démontre la régularité des élections — ainsi que la croissance de l’économie.
Selon une évaluation des projets de consolidation de la paix menée en 2009, plusieurs des principaux objectifs ont été atteints. L’évaluation indique que le Programme des Nations Unies pour le développement qui a géré la plupart de ces projets a mené à bonne fin 87 % d’entre eux, « mesuré sur une échelle d’exécution du budget, il s’agit là d’un résultat remarquable, » souligne ce rapport.

Un programme d’urgence destiné à aider le secteur de l’énergie a par exemple permis de faire passer la quantité d’électricité disponible dans la capitale, Freetown, de 25 à 31 mégawatts, et de 0,5 à 5 mégawatts à Bo et à Kenema, deux des plus grandes villes de la Sierra Leone. Un projet visant à promouvoir l’autonomie des jeunes grâce au microcrédit a profité à 4 500 jeunes femmes, placé 1000 jeunes sans qualifications dans des établissements de formation et 300 autres dans des programmes d’apprentissage au sein d’institutions officielles.

Pour renforcer les moyens d’action de la justice, un autre projet a appuyé la formation et le recrutement d’avocats qualifiés, de juristes, de procureurs, de greffiers et d’auxiliaires de justice. Ceci a permis de régler en deux ans les 700 dossiers non traités qui s’étaient accumulés. Les affaires à juger passent également à présent beaucoup plus rapidement à l’audience.

Les élections générales de 2012 seront un test décisif pour la démocratie naissante dans le pays. M.von der Schulenburg maintient que les inquiétudes concernant la violence et d’autres éventuelles irrégularités au cours des prochaines élections sont justifiées, mais gérables.

Cependant, le chômage représente un énorme défi pour la Sierra-Leone. En 2010 la Banque mondiale estimait le taux de chômage du pays à 80 %. Les principales sources de revenus de la Sierra Leone se trouvent dans le secteur des industries minières (or, diamants, bauxite et rutile) qui génère peu d’emplois.

M. Von der Schulenburg estime que la gestion de l’économie, et en particulier celle du produit des abondantes ressources naturelles du pays, est le plus grand défi auquel fait face la Sierra Leone, Préparer la Sierra Leone à un boom économique sera crucial pour éviter de futurs conflits. Actuellement, les données sur les ressources inexploitées du pays contrastent avec l’état anémique de son développement social. Selon un rapport récent de la Banque mondiale, l’espérance de vie en Sierra Leone est de 48 ans, le taux d’alphabétisation des adultes de 41 %. Correctement utilisé, le produit de l’exploitation des ressources naturelles de la Sierra Leone peut contribuer à améliorer ces indicateurs.

L’année prochaine, la Banque mondiale prévoit que l’économie connaîtra encore une croissance de 8,8 %. Si les préparatifs adéquats sont mis en place, le boom économique prévu pourrait offrir d’autres leçons pour les pays qui ont été déchirés par une guerre civile.

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