Si le Gabon avait été une monarchie…


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Peut-être y aura-t-il enfin eu une élection avec réel enjeu au Gabon, où l’élection présidentielle avait fini au cours de ces années de « règne » d’Omar Bongo par être prise pour une simple formalité. Peuple gabonais et Communauté internationale avaient fini par s’accommoder d’une issue connue d’avance, et à voir dans les élections successives comme seul enjeu le score déclaré du vainqueur éternel.

Omar Bongo Ondimba a beau avoir été considéré comme un sage. Durant son règne, personne n’était dupe. Même si on se persuadait officiellement d’être en démocratie au Gabon, il y a des décennies qu’on avait compris que le doyen des Chefs d’Etats africains ne perdrait jamais une élection dans son pays, organisée qui plus est par ses obligés. Comme en Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, en RDC de Mobutu ou au Togo d’Eyadema, tout le monde s’était résigné à admettre que si le Chef devait un jour envisager l’avenir du pays sans sa personne, se faire battre dans une compétition électorale était un scenario d’humiliation strictement fictif.

Le système électoral, notoirement défaillant, était une parade infaillible contre toute velléité de reconquête par le peuple de sa souveraineté : constitution approximative de listes électorales, utilisation ostentatoire et illimitée des moyens de l’Etat par le parti au pouvoir, traitement littéralement confidentiel des données électorales, usage de la force publique et des arguments pécuniaires pour accomplir la volonté du Président.

Il n’aurait jamais non plus « autorisé » une limitation du nombre de mandats présidentiels. Il se serait sans nul doute résolu à se retirer par lui-même selon des modalités dont il aurait décidé d’être le seul maître. Thuriféraires de la cour, et autre « amis » du Gabon, se seraient très naturellement chargés d’inventer le scenario constitutionnel compatible avec les ordres du Chef, tout en ménageant tout de même soigneusement les institutions de la République, question de s’épargner la tempête médiatique et les foudres, du reste gérables, de la communauté internationale.

Les institutions au service du pouvoir

Dans une République où démocratie ne rime pas avec alternance par les urnes, les institutions et la Constitution sont au service de qui gouverne, et non l’inverse. Elles sont la matérialisation de sa seule volonté. Tant pis pour qui se laisse bercer par la rhétorique des discours officiels. Ici, le pouvoir est infini et éternel. Ici, le Président, Chef des Armées, domine l’exécutif, guide le législatif et ordonne le judiciaire. Bref, il règne tel un monarque, et ce jusqu’au coup d’Etat, ou jusqu’à ce que mort s’ensuive. Au Gabon, le pouvoir était infini, la vie était éternelle, jusqu’à ce qu’un jour de 2009, la mort s’invite au débat démocratique. Il est ainsi d’illustres défunts dont on regrette profondément d’exceptionnelles qualités patriarcales. Il est ainsi d’illustres personnalités qui auraient probablement, si la démocratie avait voix au chapitre dans le casting de la vie politique de ce pays, plutôt excellé dans une carrière de Chef de village.

Si le Gabon avait été une monarchie, il est vrai, il n’y aurait pas eu d’élection présidentielle. Il y aurait encore moins eu 23 candidats au scrutin du 30 août 2009. Un tel engouement à succéder au roi, crime de lèse-majesté, aurait proprement été étouffé ou, sévèrement réprimé. Aucun de ces effrontés n’aurait réussi, en effet, à accéder au trône, quel que soit l’avis du peuple. La dynastie aurait compté sur le soutien de ses puissants « amis » pour défendre le trône, armes aux poings et artifices traditionnels à l’appui. Et le fils du Roi aurait tout naturellement succédé à son père, sans autre forme de procès. C’est à se demander si au fond, le procès du 30 août n’était pas une simple formalité orchestrée comme d’habitude dans l’unique but de ménager la Constitution et les institutions de la République. En tout état de cause, le front de « l’opposition », qui semble faire bloc, mais après le scrutin donc trop tard, n’aura pas su saisir cette occasion historique pour conforter la thèse d’un complot dynastique.

Une contribution publiée sur le site de l’Aspa

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