Septembre, un mois pas comme les autres en Guinée


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L'ex-Président guinéen, Alpha Condé
L'ex-Président guinéen, Alpha Condé

Le mois de septembre semble revêtir un manteau spécial en Guinée depuis 1958. Trois événements marquants de l’histoire de ce pays se sont tous déroulés dans ce mois.

Le “Non” au référendum du 28 septembre 1958

Le premier événement qui retient l’attention et qui s’est déroulé en septembre est le référendum proposé par le général Charles de Gaulle au sujet la communauté franco-africaine. En 1958, le vent de l’indépendance soufflait fortement sur le continent africain. La France se retrouvait dos au mur, son empire colonial était secoué de toutes parts. La Tunisie et le Maroc s’étaient émancipés en 1956 ; en Afrique subsaharienne, la Gold Coast (actuel Ghana) avait obtenu son indépendance en 1957, décuplant les envies des colonies françaises voisines d’accéder au même statut. Depuis la Toussaint rouge de 1954, l’Algérie s’était embrasée, la guerre d’indépendance battait son plein dans ce pays où la France avait pris pied depuis 1830.

En 1955, le Cameroun a été secoué par l’insurrection armée de l’UPC (Union des populations du Cameroun). Depuis le Sud-Est asiatique, à quelques milliers de kilomètres, la terrible défaite infligée par les troupes du Viêt Minh sous la conduite du général Vo Nguyên Giap à la France, en mai 1954, sonna comme un signal fort venu galvaniser les forces indépendantistes alors très actives en Afrique subsaharienne française. La métropole avait compris qu’il était temps de lâcher du lest, de desserrer un peu l’étau autour de ses territoires africains, si elle voulait continuer à les maintenir sous son joug.

Ainsi, elle édicta, en 1956, la Loi-Cadre Gaston Defferre qui donna aux colonies une petite autonomie interne, leur permettant de former des conseils de gouvernement, d’avoir une fonction publique, mais toujours sous le contrôle strict de la métropole dont dépendaient la Défense et les Affaires étrangères, entre autres. Malgré cette loi, les revendications indépendantistes se firent de plus en plus persistantes. Le général Charles de Gaulle devenu président du Conseil des ministres, le 1er juin 1958, proposa alors une nouvelle forme de coopération : la communauté franco-africaine.

Pour la naissance de cette communauté, les colonies avaient été invitées à voter “Oui” ou “Non”, dans le cadre d’un référendum. Le “Oui” marquait l’accord avec la communauté et donc le rejet de l’indépendance. A contrario, le “Non” signifiait tout simplement le refus de la communauté et le choix de l’indépendance. Et c’est ce dernier choix que fit courageusement la Guinée de Sékou Touré, le 28 septembre 1958. En conséquence, le pays obtint son indépendance quatre jours plus tard, le 2 octobre 1958, soit deux ans avant les autres colonies de l’AOF (Afrique occidentale française) et de l’AEF (Afrique équatoriale française).

51 ans après, le massacre du 28 septembre 2009

Le jour même du 51e anniversaire de ce référendum, la Guinée fut frappée par une tragédie. Contrairement à la promesse qu’il avait faite de ne pas s’accrocher au pouvoir, le capitaine Moussa Dadis Camara qui s’était auto-proclamé président de la République, le 24 décembre 2008, au lendemain de la mort du général Lansana Conté, avait, au bout de quelques mois d’exercice du pouvoir suprême, commencé par changer de langage. L’intention de se maintenir au pouvoir se faisant de plus en plus évidente, les forces vives de la Guinée réunies dans un forum se mirent en branle pour faire barrage au capitaine putschiste.

Le 28 septembre 2009, elles appelèrent à une manifestation pacifique au mythique stade du 28 septembre de Conakry. Peu avant midi, des forces de l’ordre armées jusqu’aux dents ouvrirent le feu sur les manifestants. 157 personnes sont tombées sous les balles de l’armée, des centaines d’autres sont blessées. 109 femmes sont violées par des militaires en furie. La consternation était totale et les condamnations unanimes de par le monde. Le 15 janvier 2010, soit environ trois mois après ce drame, Moussa Dadis Camara dut renoncer au pouvoir, à la suite de la tentative d’assassinat dont il a été victime.

Le coup d’État du 5 septembre 2021

Après le passage forcé d’Alpha Condé vers un troisième mandat illégal et illégitime consacré par la victoire au premier tour de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, la tension n’était pas retombée en Guinée où le régime procédait régulièrement à des arrestations d’acteurs de l’opposition. Même si le peuple avait vomi l’ancien militant devenu Président depuis 2010, peu de personnes pouvaient s’attendre à son renversement aussi facilement, cette matinée du dimanche 5 septembre 2021.

À 8 heures du matin, heure locale, des coups de feu sont entendus dans les environs du palais Sékhoutouréya. Quelques heures après, des images d’un Alpha Condé, désabusé, aux mains des militaires des forces spéciales font le tour des réseaux sociaux et de la presse internationale. Le coup d’État est consommé, le troisième dans l’histoire du pays. À quelques semaines de la célébration du premier anniversaire de son troisième mandat, Alpha Condé est évincé, un jour du mois de septembre.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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