Sénégal : un scrutin sans troubles


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Les Sénégalais ont voté dimanche au premier tour de l’élection présidentielle qui s’est déroulée dans le calme. Le président Abdoulaye Wade a, quant à lui, été hué par une foule d’électeurs alors qu’il se rendait à son bureau de vote, à Dakar. Les premiers résultats sont attendus mardi. Macky Sall et le président sortant semblent bien partis pour s’affronter au second tour.

La tension est retombée au Sénégal. Après plusieurs semaines de violences dues à la contestation contre la candidature d’Abdoulaye Wade, c’est dans le calme que les Sénégalais ont voté dimanche au premier tour de la présidentielle. Les bureaux de vote ont officiellement ouvert à 8h du matin et fermé à 18h. En tout, près de 5,3 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes pour choisir entre le président Wade élu en 2000 et réélu en 2007 et 13 autres candidats qui estiment que la Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat. Alors qu’il se rendait à son bureau de vote, Abdoulaye Wade, accompagné de ses deux enfants Karim Wade et Sindiély Wade, a été hué par une centaine d’électeurs. Le chef d’Etat en colère est très vite reparti après avoir accompli son devoir électoral, bousculant au passage l’un de ses gardes du corps et sans faire de déclaration aux nombreux journalistes présents.

Les observateurs ont constaté, partout dans le pays, de longues files d’attentes devant les bureaux de vote. Mais le taux de participation serait moins élevé qu’en 2007. S’il y avait beaucoup d’électeurs dans la matinée ce ne fut pas le cas dans l’après-midi. Thijs Berman, chef des observateurs de l’Union européenne, s’est réjoui « de voir tant de citoyens sénégalais qui sont là pour aller voter, qui attendent leur tour calmement ». Il s’exprimait devant un centre de vote à Khar-Yalla, dans le quartier de Grand-Yoff. Toutefois selon lui, de nombreux électeurs n’ont pas pu se rendre aux urnes car ils n’ont pas pu retirer leur carte électorale à temps. « Nous ignorons le nombre exact de ces électeurs mais nous savons qu’il y en a beaucoup. D’ici les prochains jours nous sauront ce qui s’est réellement passé », a-t-il dit. D’après la Commission nationale autonome (Cena), chargé de superviser le processus électoral, le taux de participation avoisinerait les 60%. « A 22h30, nous avons eu un taux de participation qui avoisine 60%, un peu moins de 60%, mais ce taux va évoluer au fur et à mesure que les résultats tomberont », a déclaré le président de la Céna, Doudou Ndir.

La Céna s’est par ailleurs félicitée du déroulement du scrutin qui s’est tenu globalement « dans le calme et dans la discipline » à travers le pays. Toutefois en Casamance, dans le sud du Sénégal, certains électeurs ont préféré s’abstenir de voter car les rebelles avaient menacé de perturber le scrutin, interdisant aux populations d’aller voter sous peine de représailles. « Dans notre village, nous n’avons pas voté. Parce que voter et mourir ensuite, nous ne le ferons pas, l’Etat est incapable d’assurer notre sécurité », a toutefois regretté un élu local. Malgré tout, le scrutin s’est tout de même déroulé sans heurt et avec une bonne affluence dans la région.

Macky Sall et Wade au coude-à-coude

L’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, chef des observateurs de l’Union africaine (UA) s’est rendu dans deux bureaux de vote de Dakar. « Jusqu’à maintenant, je prie et j’espère que ce que nous avons vu dans les deux bureaux de vote que nous avons visité se répétera dans chaque bureau à travers le pays. Si c’est le cas, je crois que nous pourrions avoir une élection pacifique et honnête », a-t-il affirmé. Il avait proposé samedi « d’échapper au chaos » en limitant à deux ans le mandat du président sortant s’il était réélu. Une proposition rejetée par l’opposition.

Les premiers résultats sont attendus mardi. Pour le moment Abdoulaye Wade et Macky Sall seraient au coude-à-coude, selon Jean-Paul Dias, directeur de campagne de Macky Sall. « Le second tour pourrait avoir donc lieu entre Abdoulaye Wade et Macky Sall. (…) Nous sommes au coude-à-coude avec le président Wade autour de 1 à 3 points, il est encore devant mais nous espérons passer devant ». Selon lui, Macky Sall a remporté le scrutin notamment dans la région de Dakar, qui compte un nombre important d’électeurs inscrits. « Nous ne sommes pas surpris par ces résultats, nous avons travaillé pour », s’est exclamé Jean-Paul Dias. En île de France la diaspora sénégalaise a massivement voté pour Macky Sall. «Oui le second tour est inévitable », confirme pour sa part Abdou Latif Coulibaly, célèbre journaliste d’investigation et soutien d’un autre poids lourd de l’opposition, le candidat Moustapha Niasse. Selon lui, « ça peut encore changer, mais sur environ 60% des votes, la tendance c’est 30% pour Wade, 26% pour Macky et 20% pour Niasse ». Mais pour El Hadj Amadou Sall, un des responsables de la campagne du président Wade au micro de l’AFP, les tendances actuelles ne permettent pas de « tirer des conclusions ». « On est en train de collecter les résultats et rien ne permet de dire qu’il y aura un deuxième tour », estime-t-il.

Le président sortant a perdu son aura chez les jeunes qui avaient largement voté pour lui en 2000 pour l’alternance. Le groupe de rappeurs Keur-gui à l’initiative du mouvement citoyen « Yen a marre » qui a une forte influence auprès de la jeunesse sénégalaise a appelé à voter pour tous « sauf Wade ».

Comme la majorité des Sénégalais, Mamadou Seck, assis sur le perron de sa maison dans le quartier de Ouest-Foire, les oreilles rivées à un vieux poste de radio, écoute les résultats tombés les uns après les autres. Cet enseignant à la retraite se dit rassuré. « Nous sommes tous des Sénégalais, lance-t-il sourire aux lèvres. Le peuple s’est exprimé, le calme est revenu, le Sénégal reste un pays de paix. »

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