Sénégal : les homosexuels traqués


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Plusieurs personnes ont été entendues, lundi, par la police sénégalaise après que des menaces de morts ont été proférées contre Mansour Dieng, le directeur de publication du magazine people « Icône ». Lors d’un précédent numéro, le journal avait dénoncé la pratique de l’homosexualité.

Au Sénégal, on ne plaisante pas avec l’homosexualité. Cinq personnes ont été interpellées à la suite de menaces de mort proférées à l’encontre du responsable du magazine people Icône. Dans le numéro 20 du journal, Mansour Dieng, le directeur de la publication, avait, dans un édito, alerté les autorités sur la montée de l’homosexualité chez les jeunes. « Je ne voulais pas créer la polémique, j’ai juste relaté un fait. Comme personne n’a voulu me croire j’ai dû le prouver par des photos », a expliqué M. Dieng à Afrik.com. Chose promise, chose due, ce « gardien de la bonne morale », comme il aime à se définir, a fait paraître un dossier sur l’homosexualité. Au programme de ce numéro de février, témoignage d’un psychologue, articles et photographies de la cérémonie d’un mariage gay qui aurait été célébré à une date non précisée à Petit Mbao, à 20km au sud-est de Dakar. Tout y passe. Echange des alliances, photos de jeunes sénégalais en tenue d’hôtesses, prises de photos de famille.

Des homosexuels interpellés par la division des investigations criminelles

Dès sa parution, cette affaire a fait grand bruit au Sénégal, un pays où l’homosexualité est interdite par la loi. Suite à des menaces de mort relatives à la publication du dossier, le responsable d’Icône a prévenu la police. « J’ai été interrogé, et c’est après que la Division des investigations criminelles (DIC) a procédé à l’interpellation des homosexuels dans une maison de rencontre », explique Mansour Dieng. « A la suite de ces arrestations, j’ai été encore questionné lundi par la DIC qui m’a félicité de l’avoir avoir informée de l’existence de telles pratiques », ajoute-t-il. M. Dieng considère qu’il a fait « son devoir de citoyen » et « son travail de journaliste ». A ce titre, il a déclaré ne pas vouloir « bloquer la parution du magazine », précisant que « les autorités lui avaient demandé d’arrêter la diffusion d’Icône contre une indemnité ». Après un calcul rapide, le directeur de publication a sans doute mesuré tout l’intérêt financier et publicitaire que pouvait représenter ce dossier.

Etre homosexuel au Sénégal

Pour M. Dieng, la réaction de rejet des Sénégalais vis-à-vis des clichés d’un mariage homosexuel est « compréhensive » et « justifiée ». « Au Sénégal, les « goordjiguènes »[[homosexuels, en wolof]] sont des sortes d’entremetteurs, ils accompagnent les chanteuses et les mettent en relation avec les politiques. Etre homosexuel au Sénégal, c’est s’élever socialement, faire parti du monde des riches », certifie le responsable d’Icône. « Pourquoi les photos ont-elles choquées ? Les gens n’ont pas l’habitude de voir des homosexuels s’exposer. Dans notre pays, ils sont perçus comme des pestiférés », précise-t-il.

La Commission internationale des droits des gays et lesbiennes (IGLHRC) a, pour sa part, demandé dans une lettre au ministre de la justice sénégalais la libération des personnes interpellées. Au terme de l’article 3.913 du Code pénal sénégalais, les actes homosexuels sont punissables d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs CFA (entre 150 et 2 300 euros). Bien qu’il y ait occasionnellement des arrestations et des condamnations au nom de cet article, la stigmatisation sociale et le chantage sont les attaques les plus courantes que subissent les homosexuels dans le pays. « Nous craignons pour nos vies, et particulièrement ceux d’entre nous qui apparaissent sur les photographies », a déclaré Jean R, un militant sénégalais, à l’IGLHRC. « Certains d’entre nous se cachent et d’autres ont fui le pays », ajoute-t-il.

Cette affaire est partie pour connaître les mêmes développements judiciaires que celle de « Guddi town », un concours filmé de danses jugées obscènes, qui avait passionné les Sénégalais. Car il est clair qu’au Sénégal, on ne badine pas avec la morale.

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