Sénégal : la presse porno au caniveau


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La justice sénégalaise a condamné, lundi, à Dakar, quatre responsables de quatre journaux « pornographiques » à trois mois de prison ferme. La décision, saluée par certains religieux, est jugée salvatrice par l’Association des consommateurs du Sénégal, qui estime qu’elle préservera les enfants.

La presse pornographique sénégalaise n’a plus droit de cité. Un tribunal de Dakar a condamné à trois mois de prison ferme, notamment pour atteinte aux bonnes mœurs, le propriétaire et les directeurs de publication de Tolof-Tolof et Rac-Tac, ainsi que le propriétaire et directeur de publication de Teuss et le responsable et monteur de Check Down. Cette sentence tombe quelques années après l’interdiction de Moeurs, jugé pornographique, et de Tract, dont des numéros avaient été saisis parce qu’ils présentaient un photomontage de l’ancien premier ministre, Mame Madior Boye, pratiquement nue.

Pornographique ou érotique ?

En prison depuis le 27 mai, ils purgeront le restant de leur peine sans Babacar Diouf, un opérateur de saisie de Check Down relaxé. Les condamnations contrastent fortement avec le réquisitoire du procureur : il avait demandé « deux ans fermes, une amende de 300 000 FCFA (environ 456 euros, ndlr) pour chacun des prévenus, la suspension des journaux incriminés et la publication de la décision de justice dans tous les journaux », rappelle le quotidien sénégalais Le Soleil.

L’histoire dit que Ali Aw, Amadou Mactar Samb, El Hadji Samba Thiam, Ndiogou Cissé et Abdoulaye Badji se seraient retrouvés devant le juge après qu’un marabout a montré au président les journaux aux photos pour le moins impudiques. Abdoulaye Wade les aurait alors fait mettre en prison via le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy. Lors du procès, les accusés ont nié ou minimisé le caractère pornographique qu’on prêtait aux photos récupérées sur Internet. « Les photographies étaient érotiques, pas pornographiques, estime Momar Ndao, président de l’Association nationale des consommateurs du Sénégal (Ascosen). Le problème est que, si au départ ils racontaient des scènes d’infidélité, d’inceste et de pédophilie, au fur et à mesure, les textes ont eu un caractère de plus en plus osé et parfois pornographique. »

Protéger les enfants

L’Association des maîtres coraniques et SOS consommateurs, qui n’ont pas pu se porter partie civile, se réjouissent du jugement. D’autant qu’il suspend la parution des journaux incriminés, annonce Le Soleil. Une bien bonne nouvelle pour Momar Ndao. « Les journaux étaient vendus à la criée – entre 100 et 200 FCFA, soit parmi les moins chers du marché – et n’importe quel petit enfant pouvait le prendre : le vendeur ne va pas chercher à savoir si c’est pour son père, son oncle, son grand frère… », explique le président de l’Ascosen.

D’après lui, plusieurs enfants ont acheté ces journaux pour eux, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. « Le risque pour un enfant est d’être perturbé psychologiquement. Un enfant de 13-14 ans ne va plus penser qu’à ça et cela pourrait entraîner la dépravation dans le pays », commente-t-il. Cependant, il estime que les interdire complètement n’est pas la solution. Il souligne qu’avant l’apparition des journaux coquins sénégalais, dont il estime que la naissance remonte à environ deux ou trois ans, il existait en kiosques des medias érotiques et pornographiques occidentaux.

Ceux-là n’étaient visuellement pas accessibles pour les enfants, alors que Tolof-Tolof, Rac-Tac, Teuss et autres Check Down sont tellement mis en avant que les clients désireux d’acheter leur journal tombent sur une paire de seins ou de fesses dénudées. Y compris les enfants. Alors, conclut le président de l’Ascosen, « la solution serait que l’on les vende à part dans des librairies spécialisées, bien qu’elles n’existent pas au Sénégal, ou alors plus discrètement ».

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