Kenya : trois policiers poursuivis pour meurtre après la mort d’Albert Ojwang


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Justice, Tribunal
Tribunal (illustration)

Au Kenya, l’affaire de la mort du blogueur Albert Ojwang prend une tournure judiciaire majeur. Lundi 23 juin, le parquet a annoncé des poursuites pour meurtre contre six personnes, dont trois policiers. Parmi eux figure le commandant du poste de police central de Nairobi, où le jeune homme de 31 ans a perdu la vie en détention le 8 juin dernier.

Albert Ojwang avait été arrêté la veille pour avoir publié sur les réseaux sociaux des accusations de corruption visant Eliud Lagat, numéro deux de la police nationale. Son transfert rapide depuis l’ouest du pays jusqu’à Nairobi, à plus de 400 kilomètres de son domicile, avait déjà suscité l’incompréhension. Mais c’est son décès en cellule, initialement présenté par les autorités comme un suicide, qui a mis le feu aux poudres.

Une version policière discréditée

Selon le rapport d’autopsie indépendant commandé par sa famille, Albert Ojwang présentait des traces de traumatisme crânien, de strangulation et de multiples blessures, écartant l’hypothèse d’un suicide avancée par la police. Le chef de la police kényane, Douglas Kanja, a depuis reconnu que cette version était un mensonge et a présenté des excuses publiques devant les sénateurs.

De son côté, l’Autorité indépendante de surveillance de la police (IPOA) a révélé que les enregistrements de vidéosurveillance du commissariat avaient été partiellement effacés, élément confirmé par l’ouverture de poursuites contre un technicien soupçonné d’avoir altéré ces images.

Eliud Lagat au cœur des critiques

Si le nom d’Eliud Lagat n’apparaît pas parmi les accusés pour l’instant, sa responsabilité dans l’affaire reste pointée du doigt. C’est lui que le blogueur avait publiquement mis en cause dans ses publications. Bien qu’il se soit mis « en retrait » de ses fonctions dès l’éclatement du scandale, cette mesure est jugée insuffisante par la Commission nationale kényane des droits humains, qui le considère comme le « principal suspect » et demande son arrestation pure et simple.

La mort d’Albert Ojwang a ravivé les tensions dans le pays. Depuis deux semaines, des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes, violemment réprimées par les forces de l’ordre. Lors du dernier rassemblement à Nairobi, un vendeur ambulant a été gravement blessé par un tir à bout portant. La Commission kényane des droits humains recense au moins 22 blessés liés à ces manifestations.

Une journée de mobilisation nationale est prévue ce mercredi, à l’appel de plusieurs ONG et mouvements citoyens. Elle vise à dénoncer les violences policières, mais aussi à commémorer le premier anniversaire de la répression meurtrière des manifestations contre la hausse des taxes en juin 2024.

Une spirale de violences en détention

Le cas d’Ojwang n’est pas isolé. Selon l’IPOA, 18 personnes sont mortes en détention au Kenya depuis le début de l’année. Cette série noire vient renforcer les appels à une réforme en profondeur de l’appareil sécuritaire, perçu par de nombreux Kényans comme corrompu et brutal.

En attendant le début du procès des six accusés, prévu dans les prochains jours, les regards restent braqués sur la justice kényane, appelée à faire preuve d’exemplarité dans une affaire qui pourrait marquer un tournant pour la transparence et l’État de droit dans le pays.

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