Sénégal : Aliou Guèye, le marchand qui imite Youssou Ndour, Wally Seck, Baaba Maal


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Aliou Guèye, marchand ambulant 10 nov 21
Aliou Guèye, marchand ambulant

Il se nomme Aliou Guèye et a déjà vu passer 50 étés dans son Sénégal natal. Il est marchand ambulant, métier qu’il fait depuis plus d’un quart de siècle. Dans la capitale du Rail où il exerce son petit commerce en sillonnant les rues, l’homme a fini de laisser sa marque de vente. Il est en effet un imitateur né. Youssou Ndour, Baaba Maal, Wally Seck, chez les musiciens sénégalais ; Serigne Cheikh, Cheikh Béthio chez les religieux. Aliou Guèye séduit clients comme simples passants. AFRIK.COM l’a rencontré au marché central de Thiès.

«Il sait imiter Cheikh Béthio, mais pas Serigne Cheikh», a simplement lancé Martin, coiffeur de son état, pour voir Aliou Guèye plonger les abords du salon Pape Laye Coiffure dans une ambiance des grandes conférences religieuses de la ville de Tivaouane (ville située à 90 km de Dakar). L’on croirait que c’est Serigne Cheikh en personne qui parlait à ses nombreux fidèles, sur un ton calme, la voix rauque, une bonne intonation, un langage distinct. Rien à dire sur cette imitation bien réussie, sous les acclamations.

Aliou Guèye 10 nov 21Il n’est pas comédien, encore moins conférencier. Quant au chant, il ne l’a jamais taquiné, si ce ne sont les quelques bribes récoltées sur les bancs de l’école primaire, alors qu’il chantonnait «Au clair de la lune, mon ami Pierrot…» et autre «A la claire fontaine, m’en allant promener…». Aliou Guèye, né en 1971 à Thiès, est en effet un marchand ambulant très particulier. Un commercial en chef ? Difficile de le dire, car certains pensent qu’il ne jouit pas de la plénitude de ses facultés, du fait de sa facilité de se lancer dans des envolées dont lui seul détient le secret. Un vrai imitateur qui modifie le timbre de sa voix et la cadence, à souhait.

«Cela fait 29 ans que je fais ce métier de marchand ambulant. Je vends toutes sortes de petites choses, en fonction des besoins de ma clientèle et aussi du contexte». Eau de parfum, savon, dentifrice, crème de corps… Tout y passe, pourvu que les recettes permettent de prendre en charge sa famille. Cinq bouches à nourrir en ces temps durs, liés notamment à l’impact du Coronavirus qui a durement frappé les pays du monde entier, n’ayant en effet pas épargné le Sénégal. Il faut bien savoir comment et où trouver les quelque 5 000 FCFA nécessaires pour assurer la DQ.

Une dépense quotidienne que le quinquagénaire parvient tout de même à boucler, après une bonne journée de vente passée à sillonner les rues de Thiès, la Capitale du Rail. «Ma journée commence à 12 heures. Je sillonne le Marché central jusqu’à 15 heures, avant de me rendre à la Gare routière où je reste jusqu’à 17 heures. Ensuite je reviens au Marché central où je reste jusqu’à 21 heures. De là, je me rends au Rond-Point Nguinth. Là-bas, je peux rester jusqu’à 23 heures voire minuit», indique Aliou Guèye, résumant ainsi sa journée.

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«Pour les veilles de fêtes, comme l’Aïd el-Kébir ou Noël ou encore le nouvel An, je peux veiller à effectuer mon petit commerce, car ça marche fort bien», poursuit le marchand ambulant, interrompu une nouvelle fois par le nommé Martin qui, visiblement, sait comment déclencher l’homme. «Non, il ne sait pas imiter Baaba Maal», a lancé le coiffeur. Et c’était parti pour une petite envolée qui nous transporte vers le Fouta natal du leader du groupe Dandé Léniol. Une chanson de Baaba Maal sur un refrain bien maîtrisé venait d’être servi.

Si l’homme est bien connu, c’est certes du fait de son commerce, mais accompagné par ses prestations gratuites, capables de voler la vedette au musicien ou au chroniqueur imité. «Depuis tout petit, j’ai cette aptitude à imiter les gens. C’est inné chez moi, je pense. Même à l’école, mes camarades étaient étonnés de me voir imiter des personnalités», se souvient Aliou Guèye. Des souvenirs très lointains, pour celui a fait les bancs jusqu’en classe de troisième secondaire, avant de voir contraint d’abréger ses études.

«J’ai fait mon cursus primaire à Randoulène Nord, à l’école Malick Kaïré Diaw. C’est au CEM Idrissa Diop que j’ai entamé le cycle secondaire, jusqu’en classe de 3ème. C’est là que j’ai mis fin à mes études, face à la conjoncture de l’époque. Il me fallait aider mes parents dans la gestion de la dépense quotidienne. J’ai alors quitté l’école pour me lancer dans le petit commerce», confesse l’homme marié, père de trois gosses. Le commerce est son choix, dit-il. Il rêve grand naturellement. Aliou espère en effet avoir à gérer, un jour, sa boutique de cosmétique.

L’entretien, démarré avec un large sourire, a été bouclé avec la même gaieté. Un petit supplément a toutefois été offert, puisqu’il a entonné la chanson du lead vocal du Super Etoile de Dakar. Comprenez Youssou Ndour. A la voix près et au geste près, notamment la façon dont l’enfant de la Médina tient le micro. A la différence qu’Aliou a un micro très particulier : une boîte de dentifrice triée dans son commerce.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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