Sénégal : Akon City, l’échec d’une ambition trop grande


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akon city

Présenté comme un symbole de l’Afrique du futur, le projet Akon City devait transformer le Sénégal en vitrine technologique mondiale. Quatre ans plus tard, il ne reste qu’un terrain vide et un rêve brisé. Retour sur une ambition trop grande, des promesses non tenues et un projet devenu emblématique des dérives des smart cities africaines.

Alors qu’il avait été vendu en 2020 comme un projet révolutionnaire destiné à transformer le Sénégal en pôle technologique d’envergure mondiale, “Akon City” n’aura finalement été qu’un mirage. Inspirée de l’univers de Black Panther, cette ville futuriste portée par le chanteur américano-sénégalais Akon devait incarner l’Afrique du futur. Quatre ans plus tard, le projet est à l’arrêt, les terrains sont repris par l’État, et la désillusion est immense, tant pour les populations locales que pour ceux qui avaient cru en ce rêve panafricain.

Un lancement ambitieux aux allures de science-fiction

Annoncé avec faste en 2020, “Akon City” promettait monts et merveilles : une ville écoresponsable, dotée d’infrastructures médicales, éducatives, hôtelières, d’habitats modernes et d’un modèle économique reposant sur la crypto-monnaie “Akoin”. Le tout sur 800 hectares à Mbodiène, à une centaine de kilomètres de Dakar, pour un budget de 6 milliards de dollars. La ville devait devenir un modèle de développement durable et un symbole de la souveraineté technologique africaine. Mais sur le terrain, seul un bâtiment d’accueil inachevé atteste du passage des bulldozers.

Officiellement, les promoteurs ont d’abord pointé la pandémie de Covid-19, les lourdeurs administratives et les délais des études de faisabilité. Pourtant, ces justifications n’ont pas suffi à expliquer l’inertie du chantier. En juin 2024, la SAPCO (Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal) a mis en demeure les promoteurs. Un an plus tard, l’État a repris la quasi-totalité des terres. Seuls 5 hectares restent alloués à un vague projet immobilier sans rapport avec la vision initiale.

Akon reconnaît ses erreurs, mais la confiance est rompue

Face aux critiques, Akon n’a pas fui. Il a reconnu, à plusieurs reprises, une annonce trop précipitée, des erreurs d’évaluation et des blocages financiers sous-estimés. Il se dit toujours déterminé à mener un projet au Sénégal, mais dans une approche plus discrète. Pourtant, la confiance est brisée. La crypto-monnaie Akoin s’est effondrée, et le financement du projet est resté opaque. Quant aux populations locales, elles se sentent abandonnées, trahies par des promesses d’emplois et de développement jamais tenues.

En reprenant la main, les autorités sénégalaises tournent la page d’un projet devenu embarrassant. Elles explorent désormais de nouvelles pistes, plus réalistes, pour valoriser le site de Mbodiène. Mais l’épisode Akon City laisse un goût amer. Il illustre les risques de projets “bling-bling” importés, portés par des célébrités sans véritable ancrage institutionnel ni plan de financement solide.

Une leçon pour l’Afrique des smart cities

L’échec d’Akon City n’est pas qu’un fiasco personnel pour l’artiste. Il interroge plus largement la faisabilité des “smart cities” africaines financées par des capitaux privés, souvent venus de l’étranger et entourés d’opacité. Pour réussir, les rêves technologiques africains devront désormais reposer sur des fondations solides, des partenariats publics-privés transparents et des engagements à long terme. Plus qu’un nom célèbre, c’est une vision cohérente, enracinée dans le réel, que l’Afrique attend.

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