Sarkozy joue la carte de l’expulsion


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Le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a décidé que tous les étrangers appréhendés dans le cadre des émeutes des jours derniers, y compris les personnes détentrices d’un titre de séjour, devraient être reconduits à la frontière. Similaire à la double peine, cette mesure soulève de vives contestations dans l’opposition et les milieux associatifs.

Expulsable malgré un titre de séjour. Le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a annoncé, ce mercredi, qu’il ferait expulser « sans délais » les personnes étrangères impliquées dans les émeutes qui embrasent les banlieues françaises depuis près de deux semaines. «J’ai demandé aux préfets que les étrangers, qui sont en situation régulière ou irrégulière, qui ont fait l’objet d’une condamnation, soient expulsés sans délai de notre territoire, y compris ceux qui ont un titre de séjour(…) Quand on a l’honneur d’avoir un titre de séjour, le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’a pas à se faire arrêter en train de provoquer des violences urbaines !», a déclaré le ministre de l’Intérieure devant les parlementaires lors de la séance des questions d’actualité de l’Assemblée nationale.

Un principe qu’il fustigeait en 2002

Dans la soirée, des télégrammes adressés aux préfets de France sont partis de la place Beauvau. Publiés par l’Agence France Presse (AFP), et intitulés « éloignement des ressortissants étrangers mis en cause lors des violences urbaines », ces télégrammes demandent d’engager « des procédures d’expulsion sur la base de l’article L 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Cette procédure d’expulsion peut se faire sur la base d’arrêtés préfectoraux mais aussi du ministre lui-même. « En participant activement à des faits de destruction de biens publics ou de biens d’autrui, en commettant des actes d’outrage et de rébellion ‘les étrangers’ s’exposent, quelle que soit leur situation administrative, à une procédure d’éloignement », selon le ministère. Si « les étrangers concernés relèvent des protections prévues par la loi, vous saisirez mes services de vos éventuelles propositions d’expulsion », poursuit Nicolas Sarkozy.

Pourtant, soucieux de policer son image, en 2002 le ministre avait lui-même rendu les différents types d’expulsion beaucoup plus difficiles. La loi du 26 novembre 2003, reformait la «double peine» en créant des catégories d’étrangers protégés qu’il est désormais pratiquement impossible de renvoyer dans leur pays, notamment les jeunes arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou ceux qui y ont des attaches familiales fortes. Cette «double peine», c’est l’expulsion d’un étranger condamné par les tribunaux, après son incarcération. Nicolas Sarkozy estimait alors, c’était en 2002, que cette mesure était «inhumaine et contraire à l’intérêt général », parce qu’elle provoquait « l’éclatement des familles».

La loi du 26 novembre 2003 a cependant prévu des exceptions : les étrangers ayant effectué leur peine qui portent encore atteinte aux intérêts de la France et à la sécurité du territoire. En clair, cette disposition vise les terroristes et les gens condamnés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ainsi que ceux dont la présence sur le territoire menace la sécurité d’un enfant. Ceux-là peuvent être expulsés quelle que soit leur situation de famille.

« Il veut faire passer un problème social pour un problème sécuritaire »

Vivement applaudi par les députés de l’UMP (Union pour la majorité présidentielle, majorité), dont il a la présidence, Nicolas Sarkozy a provoqué un véritable tollé dans l’opposition, et les milieux associatifs. Vincent Peillon, du Nouveau parti socialiste qualifiait, selon le journal Le Figaro, le ministre d’Etat de « racaille ». « Il veut faire passer un problème social pour un problème sécuritaire. Il n’y a pas d’ordre républicain sans ordre économique et social. Je considère que le ministre de l’Intérieur a fait une fois de plus une opération de communication en direction de l’extrême droite », a, quant à lui, déclaré à Afrik, Pierre Henry, président de France Terre d’Asile. «Si un étranger en règle peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion, la Convention européenne des droits de l’Homme interdit les opérations d’expulsions collectives. Les expulsions de mineurs sont par ailleurs illégales », renchérit-il. Sans entorse à la législation, les demandes d’expulsions ne devraient donc pas aboutir.

Pour Malek Boutih, ex-président de SOS racisme et Secrétaire national du parti socialiste aux questions de société, « l’essentiel des personnes mises en cause dans ces violences ne sont pas étrangères et, pour une bonne partie d’entre elles, même pas des enfants d’immigrés. Il s’agit donc bien d’un reniement de principe sur l’abrogation de la double peine dont (le ministre de l’Intérieur) Nicolas Sarkozy se gargarisait depuis plusieurs mois ». Depuis le 27 octobre et la mort par électrocution de deux jeunes poursuivis par le police, 217 majeurs et 56 mineurs ont été condamnés à la prison ferme pour avoir participé aux violences urbaines, 329 majeurs ont fait ou vont faire l’objet de comparutions immédiates et 1 462 personnes ont été placées en garde à vue, au total, près de 1 800 émeutiers ont été interpellés dans les banlieues. Parmi eux, 120 étrangers majeurs et en situation régulière pour la grande majorité, sont dans le collimateur du ministre et candidat déclaré à la présidentielle de 2007.

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