Sarkozy et Kouchner agitent le spectre du conflit contre l’Iran


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La France veut-elle déclencher la guerre contre l’Iran ? C’est ce que donnent à croire les déclarations du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner sur l’imminence d’un conflit que prépareraient déjà les états-majors militaires. L’affirmation de Bernard Kouchner, qui s’exprimait dans un grand forum d’une radio périphérique française, résonne comme une menace et suscite des réactions partagées en Europe et dans le monde.

Ce ne sont pas des déclarations inopinées dans la mesure où elles interviennent après celles encore plus fracassantes du président français Nicolas Sarkozy qui, il y a quelques semaines au mois d’août, avait également agité le spectre de la guerre contre l’Iran auquel il laissait le choix de fabriquer sa bombe ou d’être bombardé. La conjonction, à quelques jours d’intervalle, de ces positions belliqueuses de la France tranche avec les efforts entrepris avec le concours des Nations unies et l’AIEA, en charge du dossier atomique, pour trouver une issue diplomatique à la question du nucléaire iranien.

La sortie du ministre français des Affaires étrangères sape quelque peu le suivi du processus de négociations avec Téhéran qui reste pour sa part déterminé à poursuivre son programme nucléaire dont le caractère pacifique est souligné par le président Ahmadinejad sans que les capitales occidentales en croient un seul mot. Bernard Kouchner a-t-il alors brûlé les étapes en durcissant le ton à l’égard de l’Iran alors que les dirigeants américains eux-mêmes estiment que, pour le moment, il y a encore place pour la diplomatie ? C’est ce que dit aussi le chef de l’AIEA qui juge, après les déclarations intempestives de Bernard Kouchner, que l’heure n’était pas à la guerre. Pourquoi alors le ministre français s’est-il autorisé à jeter un tel pavé dans la mare ?

Au sein de la classe politique française ébranlée par la sortie de Bernard Kouchner, il s’en trouve qui, comme François Hollande, le premier secrétaire du PS, jugent que le ministre en a trop dit ou pas assez. Sur quels arguments se fonde, a demandé hier le chef du parti socialiste français, Bernard Kouchner pour décider qu’il fallait se préparer à la guerre contre l’Iran ? Implicitement, estime François Hollande, les propos alarmistes de Bernard Kouchner laissent envisager que la France détient la preuve que l’Iran dispose de l’arme nucléaire.

Un dérapage de plus

Devant les remous suscités par la sortie de Bernard Kouchner, le Premier ministre français François Fillon a tenté sans grand succès d’arrondir les angles avant d’annoncer que l’intervention du ministre des Affaires étrangères allait donner lieu à un débat parlementaire pour expliciter la position française sur le dossier du nucléaire iranien. De quelle utilité sera ce débat franco-français dès lors que la problématique concerne toute la communauté internationale, à sa tête l’ONU ? Cela ne peut pas réparer le dérapage du ministre français dont le jusqu’au-boutisme s’était déjà exprimé lorsqu’il avait demandé au Premier ministre irakien Nouri Al Maliki de démissionner et avancé même le nom de son successeur, avant de s’excuser des propos qui avaient dépassé sa pensée.

En est-il de même pour ses menaces de guerre contre l’Iran ? Dans la bouche d’un si haut personnage de l’Etat français, ce ne peut pas être seulement une bourde. Pas de la part du seul dirigeant socialiste qu’il était encore et qui avait approuvé l’intervention américaine contre l’Irak. Rallié à Sarkozy, Bernard Kouchner, au Liban puis en Irak, s’acharne depuis sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères à faire prendre pied à la France dans la région du Proche-Orient. Tenant du droit à l’ingérence, Bernard Kouchner travaille à la mise en œuvre d’une diplomatie française musclée qui balise le terrain non à un climat de paix mais aux roulements de tambours de la guerre. Ce faisant, il installe la France dans la posture de sous-traitant des Etats-Unis qui, embourbés dans la tragédie irakienne, n’ont pas les moyens d’ouvrir un autre front avec l’Iran.

Les propos de Bernard Kouchner sont assimilables à une offre publique de service dont son pays, la France, se passerait volontiers tant il est confronté à des difficultés économiques qu’il faudra des années au président Nicolas Sarkozy pour pouvoir les résorber. En parlant de la bombe iranienne, Bernard Kouchner n’a-t-il pas voulu désamorcer la véritable bombe qui menace les Français, celle du désenchantement d’un pays qui finira bien par s’éveiller à la réalité du chômage, celle des banlieues et du délitement accentué du pouvoir d’achat dont ne sont pas venues à bout d’euphoriques promesses du président élu ?

Amine Lotfi, pour El Watan

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