
L’Union européenne a autorisé le 2 octobre 2025 la signature d’un échange de lettres avec le Maroc et son application provisoire depuis le 4 octobre. Le texte étend les préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara occidental sous étiquetage régional (« Laâyoune-Sakia El Hamra » ou « Dakhla-Oued Eddahab »). Faute de preuves indépendantes que la valeur créée bénéficie à la population sahraouie, le dispositif fait peser un risque de spoliation au profit d’acteurs marocains et européens, en contradiction avec l’esprit des arrêts de la CJUE et le droit international de l’ONU.
L’arrangement modifie les protocoles 1 et 4 de l’Accord d’association UE–Maroc afin que les produits originaires du Sahara occidental, lorsqu’ils passent par les douanes marocaines, accèdent au même traitement préférentiel que les produits marocains. Il impose une traçabilité renforcée : les certificats d’origine (EUR.1 ou déclaration sur facture) et l’étiquetage doivent mentionner clairement la région d’origine, pour éviter toute confusion avec « Maroc ». La signature est intervenue le 3 octobre et l’application provisoire a démarré le 4 octobre, en attendant l’achèvement de la procédure européenne.
L’objectif était de poursuivre le commerce sans interruption, malgré la décision de la CJUE d’octobre 2024.
Bénéfices non démontrés, accès entravé
Sur le papier, Bruxelles promet un mécanisme de suivi conjoint, des financements ciblés dans la région et une hausse de l’aide humanitaire aux camps de Tindouf. Dans les faits, aucun mécanisme juridiquement opposable n’assure une redistribution indépendante et vérifiable au bénéfice de la population sahraouie. L’accès des observateurs indépendants reste par ailleurs problématique, plusieurs eurodéputés ont été refoulés à Laâyoune en début d’année, ce qui empêche une vérification crédible des retombées économiques locales (emplois, salaires, fiscalité, infrastructures). Sans données publiques, ventilées par filière et auditées par des tiers, la chaîne de valeur paraît surtout profiter aux agro-exportateurs marocains et aux importateurs/distributeurs européens, tandis que les Sahraouis demeurent sans preuve tangible de bénéfices spécifiques, au mépris de l’exigence posée par la CJUE.
Calendrier européen et conditions pour respecter la CJUE et l’ONU
L’application provisoire est en cours, ce qui était l’objectif premier des entreprises maricaines et européennes qui peuvent ainsi poursuivre leur commerce. Pour devenir définitif, le montage doit obtenir le consentement du Parlement européen (avis de la commission INTA puis vote en plénière), suivi d’une décision de conclusion du Conseil et des notifications réciproques.
D’ici là, on peut espérer que la cohérence avec l’esprit des arrêts de la CJUE et avec le droit international de l’ONU exige des garanties substantielles : accès effectif des élus, ONG, journalistes et experts aux sites de production et aux données brutes ; transparence intégrale des flux de valeur par opérateur, avec publication d’indicateurs socio-économiques audités par des tiers ; gouvernance incluant des représentants sahraouis dans le comité de suivi, dotés de réels pouvoirs d’alerte ; et clause de suspension automatique en cas d’entrave à l’accès ou d’absence de résultats vérifiables.
Une responsabilité financière pour l’union Européenne
Au-delà de ces garde-fous, toute prolongation au-delà de la phase provisoire devrait être conditionnée à un calendrier onusien crédible vers une consultation libre, préalable et éclairée sous l’égide de l’ONU, incluant l’option d’autonomie, ainsi qu’à un rattrapage socio-économique chiffré au profit des Sahraouis (éducation, santé, eau, infrastructures).
À défaut, l’UE prendrait le risque d’avaliser un dispositif où les rentes commerciales s’accumulent côté entreprises marocaines et européennes, en contradiction avec les exigences de la CJUE et les principes de l’ONU en matière d’autodétermination.