Safia Otokoré défend « la France métissée » de Ségolène Royal


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Safia Otokoré

Safia Otokoré, chargée des sports au secrétariat du parti socialiste, est convaincue que le « Pacte présidentiel » de Ségolène Royal est le meilleur pour les Français d’origine africaine et les Africains. L’élue d’origine somalienne du Conseil régional de Bourgogne nous explique pourquoi et égratigne au passage le programme du candidat de la droite, Nicolas Sarkozy.

Pour Safia Otokoré, pas de doute : Ségolène Royal est la candidate de la diversité et de l’égalité des chances. L’élue au Conseil régional de Bourgogne croise donc les doigts pour que la candidate socialiste remporte l’élection présidentielle française du 22 avril. L’ex-championne d’athlétisme d’origine somalienne, chargée des sports au secrétariat national du parti socialiste, estime en effet que seul le « Pacte présidentiel » de Ségolène Royal assurera un avenir meilleur aux Français d’origine africaine, mais aussi aux Africains du continent. Explications.

Afrik.com : Quel est la spécificité du programme de Ségolène Royal ?

Safia Otokoré :
Son programme, le « Pacte présidentiel », n’a pas été fait entre quatre murs mais en débat avec les citoyens français qui, quelle que soit leur couleur de peau, ont pu participer. Son projet est tout à fait différent des autres, parce qu’elle s’est d’abord donné le temps d’écouter tous les Français. Elle a voulu une démarche participative pour construire une vision qui nous est commune, contrairement à Nicolas Sarkozy, le candidat de la droite, qui lui a une vision et un projet communautariste de la France.

Afrik.com : Pourquoi les Français d’origine africaine devraient voter pour Ségolène Royal ?

Safia Otokoré :
C’est la seule qui répond à ce que nous voulons. Son pacte s’attaque aux inégalités elle veut lutter contre les discriminations territoriales. La majorité de ceux qui vivent dans les quartiers « sensibles » sont en majorité d’origine africaine. Quand Ségolène Royal dit qu’il faut lutter contre les discriminations territoriales, elle s’attaque justement aux problèmes du logement et de l’éducation, qui est au cœur de son programme, pour faire jouer l’égalité des chances. Ségolène Royal ne regarde pas la couleur. Elle ne dit pas que la délinquance est le fait des Noirs et des Arabes, elle ne racialise pas la société. Elle estime que la France est métissée et que c’est une chance, elle l’a redit ce week-end, et elle tient à ce qu’on soit fiers de cette diversité et veut une France solidaire et efficace, pas d’un pays où l’on dresse les gens les uns contre les autres.

Afrik.com : En parlant d’éducation, Ségolène Royal entend donner une part plus importante à l’histoire de l’esclavage dans les livres d’histoire. Pourquoi ?

Safia Otokoré :
C’est une préoccupation du parti socialiste et de la gauche parce que c’est essentiel et que ça fait partie de notre patrimoine. Il est primordial que les enfants l’apprennent à l’école. Il faut assumer le passé et apprendre aux enfants ce qu’était l’esclavage et la colonisation pour lutter contre l’ignorance : on dit que l’éducation permet de faire la différence entre la réalité et ce que l’on veut nous faire croire. Alors nous devons mettre tout cela sur la place publique, mais sans avoir honte. Par contre, ce qui nous a choqués, c’est le rôle joué par Nicolas Sarkozy en votant pour et celui François Bayrou en s’abtenant sur la loi sur le rôle positif de la colonisation.

Afrik.com : Vous présentez Ségolène Royal comme la candidate de l’égalité des chances, mais c’est un terrain que s’approprie aussi Français Bayrou (Union pour la démocratie française, centriste)…

Safia Otokoré :
S’il défendait l’égalité des chances, il l’aurait déjà appliquée. Quand il était ministre de l’éducation, cet homme a privilégié les écoles privées par rapport aux écoles publiques. Or qui va dans les écoles privées ? Ce qu’il fait sur son territoire n’est pas représentatif de ce qu’il explique dans son programme. Ce qu’il a toujours fait ne plaide pas en sa faveur.

Afrik.com : La candidate socialiste souhaite plus de diversité dans les medias…

Safia Otokoré :
Nous sommes opposés à instaurer une discrimination positive. Nous voulons plutôt nous baser sur une action volontariste et faire émerger la diversité française, et en même être ferme sur la lutte contre les discriminations. Il est choquant qu’à la télévision, à l’assemblée nationale ou au sénat, la diversité ne soit pas représentée.

Afrik.com : Concernant les étrangers vivant en France, Ségolène Royal souhaite rétablir la régularisation au bout de dix ans de présence sur le territoire (une règle abrogée par la réforme, en 2006, du Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile). Dans quel but ?

Safia Otokoré :
C’est une règle qui vise à rétablir la dignité humaine et à éviter la précarité pour ceux qui répondent aux critères de régularisation. En fait, la droite à abrogé cette mesure non pas pour lutter contre la bête noir que sont pour eux les Africains. En passant cette réforme, la droite voulait casser le regroupement familial et lutter contre l’« envahisseur africain ».

Afrik.com : Il est par ailleurs question d’instaurer une Pac (Politique agricole commune) mondiale. Que changerait-elle pour les agriculteurs africains ?

Safia Otokoré :
J’ai eu la chance de rencontrer des agriculteurs africains lors du forum social de Bamako (Mali) et Nairobi (Kenya). Ils expliquaient que si on respectait leur travail, ce serait aussi un bien pour l’Europe car leurs enfants ne s’expatrieraient pas par manque de moyens. Ils souhaitent donc être considérés comme des agriculteurs à part entière et être plus favorisés par rapport aux handicaps qui les freinent. Et Ségolène Royal, qui a le souci des agriculteurs français, compte sur l’Europe et sur la communauté internationale pour y parvenir. Elle souhaite établir une relation gagnant-gagnant, comme nous le faisons déjà avec une région de l’Afrique du Sud, du Cameroun et du Sénégal.

Afrik.com : Si Ségolène Royal est élue, les relations entre la France et l’Afrique vont-elles changer ?

Safia Otokoré :
On ne considérera plus l’Afrique comme un pays, nous ne resterons pas cantonnés aux pays francophones et on ne parlera plus seulement qu’avec les élus : nous parlerons aussi avec les syndicats, les acteurs de la société civile pour décentraliser le dialogue et leur donner plus de visibilité. Lorsque nous nous sommes rendus à Dakar – au Sénégal, le pays où Ségolène Royal est née – nous avons vu le président Wade, le premier ministre, les représentants des différents partis, mais aussi les associations et les syndicats. C’est une dynamique que (l’ancien président, ndlr) François Mitterrand avait instaurée lors de son discours de la Baule (le 20 juin 1990, ndlr).

Afrik.com : Donc ce sera la fin du soutien à des régimes oppressifs ?

Safia Otokoré :
La France ne tolérera pas de recevoir dignement des hommes qui oppriment leur peuple et leurs opposants, et bafouent la liberté de la presse…. Elles ne légitimera pas et ne les cautionnera pas.

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